INTÉRIEUR NUIT : "LIEUX ALTERNATIFS"
UNE PRODUCTION RTBF BRUXELLES : ANNE HISLAIRE


Des "free-party" dans des lieux interdits, des concerts dans des caves ou des hangars reconvertis, des expositions dans des vitrines abandonnées, des évènements dans des lieux publics réappropriés, ou hors des réseaux classiques empruntés par le grand public... Qu’est-ce qui pousse les organisateurs de ce genre d’évènements à déployer tant d’énergie pour attirer une audience parfois confidentielle, avec très peu de subside et encore moins de reconnaissance officielle ? Du Bulex au Magasin 4 en passant par la Soundstation de Liège, le cinéma Nova à Bruxelles, le Fool Moon ou les raves "sauvages", Intérieur Nuit dresse un état des lieux non-exhaustif du milieu underground...



Des événements festifs, artistiques ou culturels en dehors des lieux classiques de représentation, ce n’est pas nouveau. De tous temps, les artistes naissants, moins connus, ou rebelles au système ont cherché des endroits de rencontre avec un public différent de celui des circuits commerciaux habituels. Parallèlement, essentiellement dans le milieu associatif, certains organisateurs de spectacles, passionnés et en recherche de nouveauté, de talents cachés, de culture émergente, mettent des structures à leur disposition, avec les moyens du bord, parfois à la limite de la légalité... Paradoxalement, en Communauté Française, on trouve beaucoup de ces lieux alternatifs, débordants d’énergie et d’activités, alors que le soutien de l’administration (ou des politiques) se fait plutôt rare, quand elle n’y met pas carrément des bâtons dans les roues... Ainsi, dans notre pays, pour qu’un lieu de spectacle, ou même une association culturelle puisse prétendre à des subsides, il faut qu’ils soient reconnus... Et pour prétendre à la reconnaissance officielle, il faut...être subsidié. Dans ce contexte, le milieu dit « alternatif  » vivote et se débrouille... Intérieur Nuit a cherché des explications au phénomène en la personne Rudy Demotte, Ministre de la culture en Communauté Française, mais a surtout rencontré quelques passionnés, des découvreurs, des révoltés, des débrouillards, des fatigués et des futés qui ont fait de l’underground leur plat du jour...

Le Magasin 4

Au départ du Magasin 4, l’A.S.B.L. Entropie, dont l’objet est la production, la diffusion et la promotion artistique par le biais d’une salle de concerts. Rue du Magasin à Bruxelles, le Magasin 4 est donc avant tout un lieu de découverte ; les échanges y sont permanents, entre musiciens, belges et étrangers, entre organisateurs, etc. On peut y écouter un large éventail de styles : Hardcore, funk, punk, métal, rock alternatif, ska, pop, ragga, reggae, musiques expérimentales, chanson française, jazz et autres fusions originales... En quelques années, le Magasin 4 a diversifié ses activités, devenant à la fois salle de concerts, de répétitions, studio d’enregistrement bricolé dans le grenier... Pour les organisateurs du Magasin 4, le réseau classique ne permettrait pas de réaliser de tels évènements non commerciaux, et ils n’échangeraient leur statut d’alternatif pour rien au monde.
Pour en savoir plus : http://www.magasin4.be

Le cinéma Nova

Ouvert en 1997, en plein centre de Bruxelles, à proximité des Galeries de la Reine, le cinéma Nova, est devenu en quelques années l’antre du cinéma alternatif. Une salle unique, dans sa version brute, aux murs de béton nus et aux fauteuils de cinéma rudimentaire. Autour d’une programmation indépendante, le Nova organise des soirées thématiques, invitant à des rencontres avec les auteurs des films ou des spécialistes des thèmes abordés. Il propose aussi diverses activités culturelles, expositions, conférences, open-screen...Même s’il n’est pas d’une grande qualité technique, le Nova est ouvert à un maximum de gens, en accueillant soit un public averti, soit des gens intéressés par l’une ou l’autre des soirées à thème... Un cinéma qui ne connaît pas de concurrence, puisqu’il fait la part belle à des films qui ne sont diffusés nulle part ailleurs. Géré selon le principe de l’économie solidaire, cet endroit est animé par une équipe de nombreux bénévoles. Mais si l’énergie de chacun porte le projet, le Nova se dirigerait volontiers vers l’élaboration d’une structure plus solide, tout en gardant le bénévolat, garant d’une richesse et d’un éclectisme accrus.
Pour en savoir plus : www.nova-cinema.com

Les Bains::Connective

A Forest, cette piscine des années 20, laissée à l’abandon il y a une quinzaine d’années lorsque les frais d’exploitation devinrent trop élevés, fut d’abord transformée en night club, célèbre à l’époque pour ses nombreux problèmes avec les riverains, pour devenir ensuite la proie des vandales. En 1997, l’A.S.B.L. Krul découvre le lieu qu’elle investit pour une performance, Liquid Quantum garden. Le concept même des « Bains::Connective  » a été inspiré par cette expérience. Krul passe alors un accord d’une durée de 11 ans avec le propriétaire et obtient le droit d’utiliser le bâtiment gratuitement en échange de la rénovation et de la réaffectation du lieu, qui est devenu depuis un laboratoire socio-artistique. Né de la rencontre entre des créateurs actifs dans des disciplines multiples allant du théâtre aux arts graphiques en passant par la musique ou l’architecture, les Bains::connective se veulent un espace d’échange, d’interactions culturelles, de recherche artistique alternative dont le but est de s’impliquer dans la société urbaine et d’éveiller les consciences aux problèmes de l’écologie, de l’économie de l’échange et de la créativité. Ce n’est pas une salle de spectacle, ni un centre culturel à proprement parler, mais plutôt un lieu de travail expérimental, de recherche de nouvelles formes d’expression, initiant une relation alternative avec le public qui assiste en live à la création de projets artistiques.

Pour en savoir plus : http://www.bains.be/entrance.php

La Soundstation

A la base de la Soundstation de Liège, trois juristes, passionnés de musique, désireux de créer une association, Rockomotive, avec pour objectif de dynamiser la vie culturelle liégeoise. Après avoir organisé des concerts pendant plusieurs années à l’Escalier Club, la possibilité d’acquérir le complexe désaffecté des bâtiments composant l’ancienne gare de Jonfosse leur a donné l’idée de créer un espace abritant diverses activités, à savoir les concerts, des conférences, un label (celui de Zop Hopop, Miam Monster Miam...), un studio d’enregistrement... Fonctionnant jusqu’ici sans subsides, la Soundstation s’est tournée vers des activités « horeca  », avec un café, un restaurant, qui drainent un public plus large que les activités dites « pour initiés  »...

Pour en savoir plus : www.soundstation.be

K10

A proximité du canal de Willebroek à Bruxelles et de Kanal 20, refuge doré de l’art contemporain « officiel  », les ASBL « Les petits Belges  » et Buzz ont investi un ancien hangar de la poste, K10, pour y réaliser un évènements d’art contemporain alternatif, une performance live d’un peintre espagnol, Luis Moro, en mars 2001. Après négociation avec la Poste et ensuite avec le nouveau propriétaire, ils ont obtenu d’occuper gratuitement, pendant quelques semaines, ce bâtiment promis à une démolition proche. Pour eux, le principal problème de ce genre d’organisation est d’obtenir toutes les autorisations légales, et ils avouent qu’il faut quelquefois mentir un peu sur le type d’activités...

Produits frais

Situé rue Antoine Dansaert à Bruxelles, dans un ancien magasin abandonné durant quarante ans et rénové il y a peu, Produits Frais est un label qui a pour objectif de promouvoir de jeunes artistes. A l’origine du projet, Julien Willem, professeur à la Cambre, désireux de trouver un espace dans lequel ses étudiants puissent exposer leur travail. Géré par et pour des artistes, l’espace alterne des expositions personnelles et de groupes, où se côtoient des artistes confirmés et d’autres moins connus. Parallèlement à la galerie, Produits Frais met en ligne un site web, vitrine de l’association et outil de communication présentant les travaux des artistes.

Magazins

Cherchant des lieux pour exposer leurs œuvres, deux artistes ont eu l’idée d’occuper les vitrines vides de magasins fermés, pour offrir aux passants la possibilité de voir leur travail. Ils ont ainsi crée l’asbl Magazins qui gère cinq vitrines de la capitale en accord avec leurs propriétaires, et dans lesquelles des artistes ont la possibilité d’exposer, voire d’en disposer comme atelier. Deux règles se sont imposées d’elles même : la gratuité pour les artistes qui ne payent aucun loyer, et la gratuité pour le public, qui ne payent pas de droit d’entrée. Un concept qui intéresse beaucoup d’artistes, même ceux qui sont habitués aux galeries « classiques  », qui voient là un moyen de toucher un public différent...

Le Bulex

Dominique Speeckaert a créé le Bulex en 1986, un peu comme une blague, par besoin de rassembler des gens... Au départ, les soirées avaient lieu chez lui, et rassemblaient quelques-uns de ses amis qui fuyaient l’ennui des soirées en boite... De fil en aiguille, les invités se sont fait plus nombreux, et les soirées du Bulex ont du migrer dans des lieux plus adaptés. Dans l’ancienne raffinerie du Plan K, d’abord, ensuite dans l’ancienne Maison du Peuple sur le Parvis de Saint-Gilles, où le Bulex organisait des soirées de 400 personnes sans aucune autorisation. A chaque lieu, un problème de voisinage a été synonyme de déménagement. Viré chaque fois par les autorités locales, le Bulex est passé par la rue Mommaerts, Tour et Taxi, les caves de Cureghem, le Heysel, l’Hippodrome de Boisfort... Chaque fois, le public a suivi, et encore aujourd’hui les soirées du samedi au Bulex drainent 1000 à 1500 personnes. Mais ces soirées ne sont qu’une des facettes du Bulex ; en effet, depuis 1990, l’ASBL créée par Dominique Speeckaert aide des artistes peu connus à se lancer : petits groupes, peintres ou sculpteurs, troupes de théâtre bénéficient ainsi d’une salle d’exposition ou de concert, d’un atelier, de matériel... Elle organise aussi des festivals, participe au Parcours d’Artistes à Saint Gilles, aux Fêtes de la Musique à Louvain La Neuve... En 15 ans, victime de son succès, le Bulex est devenue une grosse machine, courtisée par les politiques pour son carnet d’adresses, mais manquant cruellement de soutien financier. Et aujourd’hui, Dominique speeckaert rêve d’un retour à la clandestinité...

Le Fool Moon Théâtre

Né en octobre 92 le long du canal à la frontière Molenbeek - Anderlecht, le Fool Moon s’est vite imposé à Bruxelles comme le lieu des fêtes alternatives. Articulés autour de deux espaces, une salle de concert (ou soirées) et un bar intimiste, le Fool Moon a développé au cours des années une programmation essentiellement musicale, recouvrant des genres très variés tels que Électro, jazz, hip hop, musique du monde house, reggae, chanson française, funk, latino, techno, mais aussi ouverte au théâtre, cabaret, expositions ... Cet été 2001, les responsables du Fool Moon ont décidé de mettre leurs activités entre parenthèse, un peu par épuisement après neuf années de lutte contre les problèmes de voisinage, les problèmes administratif, le manque de reconnaissance officielle. Pour eux, le monde de la nuit est trop souvent assimilé à « troubles de l’ordre public  »...

Radio Boups

Amateurs férus de Drum’n Bass, les animateurs de « The Boups’kru from Excursion  », une émission de la radio locale bruxelloise Radio Panik, ont décidé de faire leur propre chaîne sur internet : Boups radio. Leur but : fournir, via internet, de la musique Drum’n Bass 24 heures sur 24, en proposant des morceaux inédits, des performances live, des DJ’s set. Ainsi, Les internautes ont tout loisir d’écouter leur musique, peu présente par ailleurs sur les médias dit classique, au format real audio ou MP3, et ce gratuitement. D’autre part, Boups.com organise des « free party  » à Bruxelles, chaque fois dans des lieux différents, et ce avec le minimum d’autorisation. Le principe : quelques heures avant l’événement, le lieu est inconnu du public qui n’est informé du rendez-vous qu’au dernier moment, en contactant une boîte vocale ou via internet. Les points de rendez-vous peuvent ainsi changer plusieurs fois au cours de l’avant soirée, pour finalement aboutir sur le lieu de la fête. Sur place, l’investissement technique est minimal (au départ, les organisateurs utilisaient une Lada décapotable pour installer leur sono), ce qui rend les choses suffisamment mobiles pour pouvoir démonter rapidement en cas de problème.

Pour en savoir plus : www.boups.com


Mis à jour le lundi 25 février 2008