UNE ÉCONOMIE ARTISTIQUE PLURIELLE - JUIN 2010

Cette rencontre a permis d’explorer les conditions de viabilité économique des espaces-projets relevant des « Â Nouveaux Territoires de l’Art  ». Le modèle français du financement de la culture uniquement par l’argent public est en crise. Ces démarches ne sont pas rentables et pourtant elles produisent de la valeur. Elles s’inscrivent dans des filières économiques qui privilégient l’intérêt général plutôt que la rentabilité ? Quelles sont les spécificités de cette économie culturelle ? Comment mobiliser et répartir les ressources matérielles et immatérielles nécessaires à ces projets ?


Une économie artistique plurielle - Juin 2010

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© Sur les traces des bâtisseurs - Le hublot - Nice - 2010L’enjeu de ces rencontres, organisées par ARTfactories/Autre(s)pARTs, consiste à produire une pensée agissante. La réflexion se développe donc à partir d’exemples concrets. Les échanges sont ainsi directement rattachés à une opérationnalité. Le discours produit, connecté au réel, a alors toutes les chances d’être efficient. Ainsi, l’atelier qui s’est déroulé le 8 juin 2010, dans les locaux de Mains d’œuvres, a abordé la question essentielle de l’économie artistique et culturelle en s’appuyant sur le projet porté par l’Entre-Pont à Nice (06). Cette démarche illustre parfaitement la nécessaire évolution d’un secteur qui ne peut ignorer les mutations profondes de nos sociétés contemporaines. Nous sommes, ici, face à une fédération d’associations qui, en quelques années, va passer du statut de squatteurs à celui de propriétaires de leur outil de production.

Ce collectif est actuellement implanté au sein d’anciens entrepôts : les ateliers SPADA. Cet espace racheté par la Ville de Nice devait, à terme, acquérir une véritable vocation culturelle. Mais le devenir du lieu est à ce jour aussi floue que la politique culturelle de la municipalité niçoise. Cette dernière n’arrive visiblement pas à prendre en compte les attentes de la population en terme d’équipements et de pratiques artistiques. Le besoin existe pourtant. Mais comment y répondre ? Une société d’associations est en cours de constitution avec, à la clé, l’achat d’un local industriel qu’il conviendra ensuite de transformer en un projet culturel d’intérêt général, mais économiquement viable.

© Sur les traces des bâtisseurs - Le hublot - Nice - 2010N’étant pas l’émanation d’une volonté politique, cette initiative ne peut pas (et ne veut pas) dépendre uniquement de financements publics. Ce projet entend également générer des ressources marchandes et s’appuyer sur des formes d’économie dites solidaires, dans la mesure où il est très probable que les seules ressources publiques et marchandes ne suffiront pas à l’équilibre financier du lieu. La politique culturelle de l’État est de plus en plus obnubilée par des obligations de résultat, de rentabilité et de performance économique. Et parallèlement, la réforme des collectivités territoriales et de la taxe professionnelle laisse craindre une diminution sensible des financements locaux de la culture. Quant au marché, il envisage la relation entre l’offre et la demande uniquement sur la base d’une maximisation du profit. Or, la finalité des projets artistique n’est pas la rentabilité, mais leur capacité à alimenter l’imaginaire collectif. Le commerce sensible génère des échanges qui ne sont pas directement quantifiables et monnayables. Il représente pourtant une valeur et il est mis en œuvre dans le cadre de processus de fabrication, certes complexes mais logiques et cohérents. Ce sont tous les tenants et les aboutissants de ce type de filière qu’il convient d’identifier et de valoriser. Dans cette économie créative, il ne s’agit pas uniquement de produire et de diffuser en procédant par l’appariement artificiel d’une offre et d’une demande. La production exige, en amont, un travail constant de recherche et de développement. Or, à ce jour, l’expérimentation artistique est jugée comme accessoire dans un champ d’activité qui repose pourtant sur des principes de création et d’innovation ! Quant à la distribution, elle ne sera efficace que s’il y a prescription, puis visibilité et enfin appropriation par la population. Le lien qui va s’instaurer avec l’entreprise créative s’inscrira d’ailleurs dans un réseau beaucoup plus vaste de sociabilité. Il débouchera sur de multiples usages plus ou moins monnayables.

Cette économie créative ne peut être que plurielle. L’articulation d’une triple logique marchande, redistributive et de réciprocité répond au désir de construire une véritable démocratie culturelle. La relation n’est plus verticale et hiérarchisée, mais horizontale et partagée. Elle intègre sur un même pied d’égalité l’ensemble des échanges sensibles qui traversent la société. Une richesse que l’idéologie néo-libérale veut annexer à des seules fins de profits.

Frédéric Kahn
Rédaction / Textes rédigés à partir des propos tenus à Saint-Ouen le 8 juin 2010 lors de l’atelier « Une économie artistique plurielle  »

Quentin Dulieu (Af/Ap)
Coordination des Ateliers de réflexions

Mis à jour le jeudi 2 février 2012