DANS LES SECOUSSES DE LA CRÉATIVITÉ : QUAND LES COMMANDITAIRES, DÉVELOPPEURS CULTURELS ET ARTISTES TRAVAILLENT ENSEMBLE - SEPTEMBRE 2011

L’équipe des Pas Perdus a investi la Cité des Electriciens, à Bruay-La-Buissière, l’un des plus anciens sites d’habitat ouvrier du bassin minier du Nord-Pas de Calais, avec une aventure poétique et participative de grande envergure. Cette démarche, qui a duré près de quatre ans, est le fruit d’une collaboration exemplaire avec la Ville et la
communauté d’agglomération du territoire. L’occasion de s’interroger sur les conditions optimales d’implication des organismes « commanditaires  » dans les projets artistiques créés in situ, en relation étroite avec des habitants, des usagers, des personnes de tous les jours…


Dans les secousses de la créativité : quand les commanditaires, développeurs culturels et artistes travaillent ensemble - Septembre 2011

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© Cité des électriciens - Bruay-la-Buissière- 2011Les Pas Perdus oeuvrent pour rendre le quotidien extraordinaire. A Bruay-La-Buissière, cette équipe artistique a pu travailler durablement à une telle transformation poétique du réel. Pourtant l’opération n’avait rien de magique. Elle reposait sur une qualité de relation tissée avec les coproducteurs, en l’occurrence des collectivités territoriales. La commande passée à ces artistes s’inscrivait dans une démarche ambitieuse d’aménagement urbain consistant à revaloriser la Cité des électriciens, un site symbolique de l’histoire de la commune, mais tombé en déshérence. La réappropriation de cet ancien parc d’habitat ouvrier relève d’un long processus qui dépasse la seule intervention artistique des Pas Perdus. Le devenir du site était (et est encore) en cours d’élaboration. Ce
projet fut donc une étape, provisoire mais nécessaire et relativement à moindre coà »t. Mais une présence passagère peut devenir essentielle et marquer durablement les esprits. Car, en art, l’indétermination n’est pas un handicap, mais un état de fait, un principe d’existence, qu’il convient d’apprivoiser. Pour les commanditaires, il était inenvisageable de réinscrire la Cité des électriciens dans le jeu urbain sans impliquer les principaux intéressés, à savoir les habitants. La dimension participative était donc un élément primordial dans cette commande. Les Pas Perdus ont, comme à leur habitude, travaillé avec des « occasionnels de l’art  ». Ils ont ainsi réalisé une vaste oeuvre collective, un cheminement poétique, à l’intérieur du site minier, mais ouvert sur l’ensemble du territoire.

© Cité des électriciens - Bruay-la-Buissière- 2011

La réalisation d’un tel chantier relève donc d’abord d’une
volonté politique. Mais une fois la décision actée, il faut
la mettre en oeuvre. Et ce type d’opération nécessite des
conditions de production très particulières. C’est ici
qu’interviennent les services culturels. Ils ont vocation à 
être le bras opérationnel du pouvoir politique. Bien plus
que de simples exécutants, ils proposent, conseillent,
inspirent, impulsent, ou au contraire, freinent et
découragent les élus. Habituellement, les directions de
la culture ont trop tendance à s’abriter derrière les
contraintes économiques juridiques et administratives,
derrière des cadres tellement rigides qu’ils en
deviennent complètement inadaptés. Alors même que
les discours politiques prétendent initier des actions en
faveur de la démocratie artistique et culturelle, très
concrètement, les dispositifs et les modes
d’accompagnement institutionnels rendent souvent
impossible cette relation d’égalité entre l’art et le peuple.
Heureusement, certaines collectivités adoptent d’autres
modes de fonctionnement. Ainsi, sur le territoire
intercommunal Artois Comm., qui rassemble Bruay-La-
Buissière, Béthune et 57 autres communes du Nord-
Pas-de-Calais, l’approche est beaucoup plus
audacieuse. Depuis plusieurs années s’expérimente, ici
et à l’échelle de la communauté d’agglomération, une
politique culturelle qui semble véritablement innovante.

© Atelier de réflexion -Théâtre du temple - Bruay-la-Buissière- 2011

L’aventure engagée avec les Pas Perdus participe bien
d’une volonté d’unification de redynamisation et de
rayonnement du territoire. La synergie entre la Ville et la
communauté d’agglomération, la complémentarité
évidente entre les deux niveaux d’intervention, ont
certainement été des facteurs déterminants dans la
réussite de cette aventure. De toute évidence, la
complicité entre Philippe Massardier (directeur du
service culturel Artois Comm. - communauté
d’agglomération de l’Artois) et Jean-Paul Korbas (son
homologue aux affaires culturelles de Bruay-la-
Buissière) symbolise cet esprit de coopération qui
permet non seulement de dégager des moyens autant
financiers qu’administratifs, techniques et humains, mais
également et surtout de développer le projet à l’échelle
d’un territoire élargi.
Car, bien au-delà des moyens déployés, la pertinence
de la production consiste à préserver un équilibre en
veillant à ne déroger ni à l’intérêt collectif ni à l’exigence
artistique. Or, la singularité de l’art apparaît, trop
souvent et à tort, antinomique avec la fonction politique
qui, en démocratie, consiste à fabriquer un espace
commun.
Les Pas Perdus travaillent justement à sortir l’art de
son régime singulier. Comment ? En le banalisant
sans l’édulcorer. En réconciliant « les secousses des
audaces artistiques populaires et les aventures
singulières de l’art de référence dit savant  ». Guy-
André Lagesse et ses complices, Nicolas Barthélémy
et Jérôme Rigaut, créent à partir du peu, du quotidien
et de la fantaisie inscrite en chacun de nous. Le sens
esthétique converge alors avec la visée politique pour
construire, au coeur de la Cité, des espaces où le
vivre ensemble devient désirable.

Fred Kahn
Textes rédigé à partir des propos tenus à Bruay-la-
Buissière le 16 septembre 2011 lors de l’atelier de
réflexions « Dans les secousses de la créativité
Quand les commanditaires, développeurs culturels et
artistes se mettent à marcher ensemble  »

Quentin Dulieu (Af/Ap)
Coordination des Ateliers de réflexions

Mis à jour le vendredi 19 octobre 2012