LA QUESTION DU VOISINAGE DANS LA CRÉATION ARTISTIQUE - AVRIL 2010

Les voisins ne sont pas des habitants comme les autres. Parfois même ils sont artistes et décident de s’interroger sur ce lieu commun (quartier, immeuble, histoire) qu’ils partagent. Que faire de cette relation de voisinage ? S’y confronter, comme le font les artistes et les acteurs culturels présents lors de cet atelier. Et y découvrir la source d’enjeux dépassant largement les frontières du quotidien.


La question du voisinage dans la création artistique - Avril 2010

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Pour une relation humaniste

©HVDZ -Veillée # Cité des Cheminots - Menicourt 2009 Parmi les innombrables manières de travailler la question du voisinage au sein des espaces-projets représentés durant cet atelier, il existe deux grandes catégories, toutes deux liées au temps. Soit il s’agit d’établir une relation au long cours, qui implique une proximité géographique durable entre les voisins et une équipe artistique ; soit il s’agit d’un rapprochement conjoncturel motivé par la réalisation d’un projet. Dans les deux cas, les voisins sont au centre des préoccupations des artistes qui y trouvent la justification de leur travail ou la matière de leur création. De la même façon qu’ils invitent leurs voisins à changer de point de vue sur leur entourage, les artistes cherchent à renouveler la place qu’on leur accorde généralement. De fait, ils défendent une relation humaniste de personne à personne qui pourra se manifester dans le cadre d’une production artistique ou plus simplement à travers différents moments d’échange plus ou moins informels. Selon le territoire qu’ils habitent ou sur lequel ils interviennent, les artistes s’attacheront à une histoire commune, suffisamment présente pour servir de point d’appui, comme la culture minière à Loos-en-Gohelle ou ouvrière à Aulnoye-Aymeries. Plus généralement, toute action travaillant en lien avec le voisinage s’appuie sur un lieu commun (deux immeubles à proximité du TNT, le projet de transformation du quartier où se situe Gare au théâtre) où se croisent des histoires et des imaginaires que les artistes cherchent à faire se rencontrer.

Une démarche politique et artistique
La rencontre est en effet primordiale pour les artistes engagés dans ce type de démarche. C’est elle qui va décider d’un projet (d’une certaine manière, le 232U est le fruit de toutes les rencontres occasionnées sur ce territoire pendant une dizaine d’années) et concentrer toute l’attention au point de faire de la production artistique un aspect parmi d’autres d’une relation. Il semble que la question du voisinage devienne alors La question fondamentale autour de quoi tourne tout le reste. Autrement dit, c’est larelation entre personnes réunies au sein d’un même lieu qui est mise en jeu par les artistes. à€ côté de qui j’habite ? De quelles manières ? Qu’est-ce que je partage avec mes voisins ? Quelle image je me fais d’eux et se font-ils de moi ? Si les enjeux de ces actions sont éthiques et politiques, les artistes n’en sont pas moins attachés à la dimension artistique. C’est même parce qu’il y a « œuvre avec les habitants  » que leur travail se distingue de celui mené par d’autres acteurs de terrain, du secteur social notamment. Ils y sont d’autant plus attachés que leurs tutelles risquent toujours de confondre ces actions entre elles et de ne pas saisir la singularité de leur démarche. Mais la nature de cette création artistique est d’un autre ordre que celui d’une forme académique et mérite d’être appréciée selon des critères non exclusivement esthétiques.
©Benoît Dorchies - Rendez-vous chez les voisins par le Théâtre de chambre- 232U

Agir en terrain sensible
L’originalité revendiquée par les artistes ne signifie pas qu’ils cherchent à travailler à l’écart ou en-dehors du tissu social qui unifie un territoire. Ils essaient au contraire de s’adapter à ses particularités au risque parfois de se trouver mis en défaut. Lorsque par exemple des partenaires intermédiaires (associations locales) s’approprient leur projet au point d’en dénaturer les intentions ; ou lorsque eux-mêmes, parce qu’ils ne sont pas à l’abri de certaines dérives, perdent de vue les réalités auxquelles font face leurs voisins et qu’ils les soumettent à leurs préoccupations artistiques. C’est le rôle de la médiation de prévenir tout face-à -face entre artistes et voisins qui conduirait à plus de cloisonnement, tandis qu’il s’agit d’en réduire les effets néfastes.

Sébastien Gazeau
Textes rédigé à partir des propos tenus à Aulnoye-Aymeries
le 25 avril 2010 lors de l’atelier de réflexions

Quentin Dulieu (Af/Ap)
Coordination des Ateliers de réflexions

Mis à jour le mardi 3 janvier 2012