LA NOTION DE COLLECTIF - MARS 2008

Le collectif est un mode d’organisation privilégié au sein des espaces-projets regroupés au sein de l’association ARTfactories/Autre(s)pARTs. Mais son application demeure difficile, révélatrice en cela de certaines réalités auxquelles les projets et les individus sont confrontés.


â–ºSYNTHàˆSE COURTE

© Rassemblement protocole – Ramdam (Sainte-Foy-Lès-Lyon) - 2003Expérimentations
La notion de collectif comporte une part d’expérimentation, aussi bien dans l’organisation du travail en interne que dans l’invention de formes artistiques. Tous les témoignages montrent que cette notion comporte des applications différentes et demeure très mouvante puisque, par définition, le collectif évolue en fonction des individus qui le constituent et des projets autour desquels ils se retrouvent. Néanmoins, le préalable et/ou l’horizon de tous ces espaces-projets est la conception, la décision et la mise en œuvre d’actions collectives selon un principe de coopération et de non-hiérarchie entre les membres. Précision : selon les cas, les collectifs représentés dans cet atelier ont d’abord été constitués soit d’artistes soit d’opérateurs culturels ce qui induit des problématiques différentes et des processus d’identification plus ou moins complexes pour les interlocuteurs extérieurs habitués à des fonctionnements plus « classiques  », en particulier les institutions.

à€ l’origine du collectif
Les motivations qui président à l’apparition d’un collectif sont multiples. La défense d’un équipement susceptible de fermer ou d’être vendu, la nécessité d’organiser l’usage d’espaces importants utilisés par un grand nombre de personnes, la mutualisation de moyens de production sont des raisons empiriques évoquées par certains. Cependant, le partage de valeurs distingue plus profondément la notion de collectif qui se constitue pour élaborer des projets sous-tendus par une vision commune tant au niveau artistique et culturel qu’au niveau politique et social ou en matière d’organisation du travail. Si l’union fait la force, le collectif est d’abord invoqué au nom de l’échange, de la diversité, de l’émulation et au final d’un certain « réenchantement du monde  » dont chaque collectif est l’acteur et le témoin.

Les modes de gouvernance
Les modes de gouvernance sont au centre de tous les collectifs représentés à cet atelier. L’association est le statut juridique d’usage même si d’autres formes sont envisageables comme la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif). Dans les associations, plusieurs fonctionnements apparaissent. Le conseil d’administration et le bureau peuvent être fortement impliqués dans les orientations et les décisions de l’association, ou totalement absents. Les salariés peuvent être décisionnaires et se répartir plus ou moins collectivement la responsabilité des actions, avec un éventail allant du débat permanent sur le principe d’un homme/une voix jusqu’à une organisation entièrement centrée sur la personne du directeur ou de la directrice. Dans tous les cas, l’organisation de protocoles (sous la forme de collèges par exemple) ou de temps (réunions régulières) favorisant la coopération entre les membres semble essentielle, à défaut d’être toujours réalisée voire même voulue.

Paradoxes et difficultés des collectifs
© Colloque Du patrimoine industriel aux friches culturelles – TNT (Bordeaux) - 2009
Là se situe une des nombreuses difficultés auxquelles les collectifs sont confrontés. L’équilibre entre reconnaissance des individus et primauté du projet collectif débouche parfois sur la personnalisation d’un unique membre, pour finalement s’apparenter au fonctionnement hiérarchique d’une entreprise classique. Cette situation apparaît au prétexte (réel ou non) d’une recherche d’efficacité. Souci légitime lorsqu’une urgence impose une décision rapide ou pour faire face à certaines réalités économiques. De même lorsque le nombre de personnes ou la taille du lieu qui les réunit devient trop important pour permettre une communication simple et directe. Ou lorsque la gestion courante a pris le dessus sur l’envie d’agir collectivement. C’est pourquoi certains collectifs représentés durant cet atelier évoquent, à un moment ou un autre de leur histoire, la nécessité de « réinjecter du collectif  ». Il s’agit alors de repenser le collectif en imaginant d’autres modalités d’organisation. Par exemple en multipliant et/ou en affinant les temps d’échange et de confrontation en interne, notamment sur le sujet des valeurs partagées et du sens des projets mis en œuvre. Ou en changeant le statut juridique pour s’adapter à un contexte (interne mais aussi politique, culturel, sociétal etc.) qui lui-même a changé. Et même une fois ces réorientations effectuées, le collectif demeure fondamentalement fragile, en butte à la diversité des personnes et des pratiques réunies en son sein et qui peuvent au final seulement constater leurs divergences. Reste alors la possibilité de sortir du collectif, au nom de valeurs et d’une identité qu’on refuse de nier. Ou de revendiquer un autre nom !

Sébastien Gazeau
Texte rédigé à partir des propos tenus à Sainte-Foy-Lès-Lyon le 19/03/08 lors de l’atelier de réflexions « La notion de collectif  »

Quentin Dulieu (Af/Ap)
Coordination des Ateliers de réflexions

Mis à jour le vendredi 5 novembre 2010