GRENOBLE > MANDRAK, ARTS ET TERRITOIRES - LYLIANE DOS SANTOS
Au 22 ter rue Ampère à Grenoble, une gigantesque fresque murale attire l’œil dans une impasse, entre une déchetterie et le bâtiment du Brise-Glace. Invités à la regarder de plus près, nous nous approchons de cette frontière. Ce mur peint signé " Force urbaine ", un collectif de graffeurs, ouvre en fait une brèche sur un gigantesque terrain vague où surgissent, immenses et résistantes, les deux grandes halles non réhabilitées du site Bouchayer-Viallet. Depuis vingt ans environ, une halle du site a été aménagée pour héberger le Magasin (Centre national d’art contemporain), ce qui contraste quelque peu avec le restant de cette zone en friche. Un espace autogéré presque invisible est pourtant à l’œuvre ici, abrité par un bâtiment sans grâce : le Mandrak.
Ce squat " artistique " consacre une partie de son espace à l’accueil de manifestations et d’expositions d’art. Les productions de la plasticienne Elizabeth Braure en résidence au Passage, les productions de MTK, les photographies de Stéphane Faugier ou encore l’exposition de peintures de Greg en juin 2002, ne sont que quelques exemples d’initiatives relancées par un collectif dont les activités étaient en sommeil depuis deux ans. " Espace de rencontre entre des gens et des productions artistiques, le Mandrak n’est toutefois pas un lieu de création ", précise Toto, l’un de ses membres actifs.
Durant l’été 2002, dans le cadre du " Mois du graff ", co-organisé par Jocelyn Rousseau, le Mandrak et Force urbaine, une exposition était consacrée aux artistes graffeurs sur toile à l’intérieur du lieu Mandrak. Cette exposition présente des œuvres volontairement extraites de leur contexte habituel et " sauvage ", le mur extérieur, pour mettre en évidence leurs qualités graphiques. L’art du graff trouve naturellement sa place dans ce lieu en friche, il conserve son esprit dans cet espace abandonné tout en s’exposant devant un public amateur, à la fois curieux et émoustillé d’avoir franchi la limite de deux mondes, celui de la friche urbaine et celui de l’art. " Il y a une revendication collective, portée par Force urbaine, qui pose une signature sur les murs de la ville ", assure Jocelyn Rousseau.
Quelque quatorze murs ont été peints dans la ville de Grenoble, auxquels doivent être ajoutés les passages souterrains des trois boulevards grenoblois (Joseph-Vallier, Maréchal-Foch et Jean-Pain), ainsi que cent dix mètres de murs de la caserne de Bonne investis par une dizaine de graffeurs " d’écoles " et de styles très divers. Force urbaine souhaite mettre au jour cet art visuel selon des formats et des collaborations artistiques variables ; son ambition est aussi de susciter la commande publique : " Le mouvement graff porte en lui des contradictions : son œuvre s’effectue dans la rue, de manière souvent sauvage, et en même temps ses productions sont assimilables dans les circuits de l’art ", souligne Julien Chassigneux, un des fondateurs de Force urbaine. " Investir les murs, c’est participer au renouvellement de la ville, même si cet art est éphémère. Des étudiants des Beaux-Arts s’inspirent du graff dans leur travail, ses codes intègrent la mode, la vidéo, l’infographie et participent au renouvellement de l’art en général. "
Lyliane Dos Santos