SAINTE-FOY-LÈS-LYON > RAMDAM > PRIVILÉGIER LE RISQUE ARTISTIQUE - LYLIANE DOS SANTOS


Attentive au manque d’espaces de travail destinés à la création, la chorégraphe Maguy Marin a acheté il y a quelques années, avec ses droits d’auteur, une ancienne menuiserie implantée à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône). Depuis quatre ans, l’idée d’un espace solidaire ouvert aux artistes connus ou inconnus favorise l’accueil d’une centaine d’équipes artistiques majoritairement autour de la danse, mais aussi autour du théâtre, de la musique et des arts plastiques. La faible économie générée par la location du grand studio (230 m2) et du petit (80 m2) ne satisfait pas l’esprit que l’on souhaite développer dans le lieu : privilégier le risque artistique par rapport au quantitatif et à la rentabilité. La mise en place d’une réflexion collective actionne les savoir-faire et les doutes d’une quinzaine de " soucieux " qui, sous cette appellation, conduisent la politique artistique. Tous artistes ou artisans, ils se mettent en scène à l’occasion des " Tohus-Bohus ", événements artistiques irréguliers, axés sur le mélange des disciplines artistiques.

Aujourd’hui, Ramdam se destine à être habité par la recherche artistique et se consacre à la fabrication d’œuvres. Lors des " Demeures d’artistes ", un concept encore à développer, il est proposé aux créateurs de vivre à Ramdam en les invitant à rêver, réfléchir, créer et prendre le temps de la fabrication. Le souhait de l’équipe serait " de soutenir les travaux artistiques ayant l’exigence de sonder les enjeux de l’élaboration de la pensée, de l’émotion et d’un renouvellement du regard ".

Rendre visible le processus

La finalité de l’œuvre produite n’est pas primordiale, pas plus que sa production auprès d’un public. La philosophie défendue permet de rendre visible le processus de création échelonné sur plusieurs rendez-vous et de changer ainsi la relation avec le public. Ainsi, la fabrication peut rester un brouillon auquel sont associés le public et la critique. " Olivier Maurin, à propos d’un travail sur Edward Bond, est venu montrer des choses : expositions, travaux en chantier, laboratoires de formules artistiques... Après son passage, on s’est dit qu’on pourrait demander aux artistes de mettre en avant leurs brouillons, comme l’ont fait le collectif musical de la Douzaine et la chorégraphe Florence Girardon par exemple ", explique Renaud Golo, un des " soucieux ".

Ainsi se concrétisent les " Etats de chantier ", autres formes aptes à saisir la démarche d’un travail en construction. Ils sont complétés par les " Visibilités des demeures " qui présentent tout ou partie d’un travail (sous une forme finie ou non). Ces implantations volontaires invitent certes les artistes à se mettre en situation de réflexion partagée, de prise de risque dans la proximité avec le public, mais cela suppose une maturité et une réflexion que n’ont pas toujours les jeunes compagnies. Cependant, le public sort ainsi du mode de consommation habituel et, en participant en direct à la création, nourrit en retour le processus créatif. A Ramdam, on refuse toute vision réductrice et l’on s’aventure volontiers sur les territoires de l’interrogation. " L’éducation du spectateur l’a habitué trop souvent à une consommation passive du spectacle... Que faire alors de l’aléatoire, de l’hésitation, du hasard, de l’inconnu, là où il y a exigence subjective, qualité, indices de satisfaction ? " remarque Mary, une autre " soucieuse ".

Le " curieux " accepte le " ratage "

Installer une " vraie " vie à Ramdam ne peut se réaliser qu’au travers des rencontres sans regard sélectif. Plus facile à concevoir qu’à réaliser ! Pour mieux activer la curiosité de l’observateur, les " Quoi de neuf ? " favorisent, le neuf de chaque mois, les rencontres des " curieux " (nom noble donné au public) avec les travaux artistiques (amateurs ou professionnels) présentés lors des scènes ouvertes pluridisciplinaires. Le " curieux " accepte donc le " ratage ".

Construire des articulations avec d’autres structures participe de l’accompagnement actif des artistes. Cette mise en réseau conçue pour faciliter l’accès à d’autres lieux ou d’autres collaborations trouve une traduction concrète lors des " De quoi s’agitent-ils ? ". Ces rencontres consacrées aux compagnies rhônalpines de danse sont organisées en collaboration avec le Centre chorégraphique national de Rillieux-la-Pape (Rhône), que dirige Maguy Marin, et l’antenne lyonnaise du Centre national de la danse. Elles réunissent créateurs, interprètes, programmateurs, financeurs, public et préconisent un temps de discussion.

La réalité économique pousse aujourd’hui les " soucieux " de Ramdam à demander des subventions, mais il leur est ardu de faire comprendre la particularité de leur démarche dans une " culture administrative " qu’ils trouvent " très marquée ". " Ici, il n’y a pas de directeur ", nous explique-t-on, " ce qui est difficile à comprendre pour une institution qui souhaite un interlocuteur unique. Par définition, le collectif est mouvant et protéiforme ". L’institution a besoin de critères, qui ne sont pas forcément ceux de Ramdam.

Lyliane Dos Santos

Mis à jour le mercredi 26 mars 2003