Journée organisée par le CITI et le festival Villeneuve en Scène, sous l’égide du Ministère de la culture et en partenariat avec le centre dramatique national itinérant Les Tréteaux de France.
Le 15 juillet 2008
Résumé
Portrait du secteur :
Des cies qui ont une action similaire à celle de petits lieux de diffusion itinérants et qui garantissent un maillage exemplaire du territoire, s’adressant à tous les publics. Une situation économique particulièrement précaire car reposant sur des ressources propres qui couvrent difficilement le « coût de l’itinérance » et sur des emplois aidés, substituts précaires de subventions de fonctionnement largement absentes. Les obstacles à ce financement étant notamment liés à la spécificité des cies, par nature peu ancrées dans un territoire. Soutenir l’itinérance apparaît donc comme une nécessité pour les collectivités territoriales qui défendent une politique culturelle adaptée à la diversité d’un territoire et de ses populations. Quelques modalités potentielles de ce soutien : Étendre l’aide à l’itinérance aux compagnies itinérantes de théâtre, danse,... Développer des conventions inter-régionales de soutien aux cies (se pose alors la question de la programmation) Mettre en place un fond dédié à l’itinérance et financé par toutes les régions Organiser des tournée trans-régionales grâce à une coopération des programmateurs en région Financer des lieux de résidence, production, création Aménager des emplacements au coeur des villes Défendre le statut de l’intermittence |
1.Etat des lieux chiffré de la pratique du spectacle vivant itinérant
Gaël Bouron, Chargé de mission CNAR Culture-Opale
Bernard Delaire, Président du Syndicat du Cirque de Création
Stéphane Simonin, Directeur de Hors Les Murs
Deux sources récentes (les seules) :
Un référencement des Cies itinérantes dans le Goliath (146 cies)
Une enquête sur un échantillon de 30 Cies, menée par le CITI, en lien avec le SCC (Syndicat du Cirque de Création) et Opale/CNAR Culture (Centre National d’Appui et de ressources sur la filière « culture »)
Principaux résultats du référencement (146 cies) :
Dispersion géographique
Globalement, une très bonne irrigation du territoire avec un maillage un peu plus serré dans le sud-est et le nord-ouest. A noter : seulement 14% des représentations se donnent en île de France.
45% des spectacles se donnent dans des villes de moins de 2000 habitants
Equipements
La majorité des cies (60% ) sont équipées de chapiteaux.
Principaux résultats de l’enquête (30 cies) :
On retrouve les mêmes conclusions concernant la dispersion géographique
Diffusion
Le nombre de représentation médian est de 39 par cie, ce qui correspond à l’activité d’une petite salle de diffusion.
La diffusion se fait majoritairement hors du réseau institutionnel : MJC, communes sans service culturel, association..., et dans de petites communes rurales
Fréquentation
nombre médian de spectateurs : 90. Si on applique ce chiffre aux 146 cies référencées par Hors-les-murs, c’est, à la louche, 520 000 spectateurs par an.
Emploi
En moyenne, les Cies travaillent avec 2 CDI, 1 CDD, 18 intermittents et 4 bénévoles.
62% des emplois sont des emplois aidés
Budget
Le budget moyen des cies s’élève à 170 000 euros, contre 60 000 pour les cies de théâtre « classiques » indépendantes et 300 000 pour les petits lieux de diffusion.
La structuration du budget est très proche de celle des cies de théâtre indépendantes avec une majorité de ressources propres, par opposition aux budgets des structures de diffusion largement subventionnés.
Quelques conclusions croisées
On peut remarquer que les cies de ce secteur ont une action similaire à celle de petits lieux de diffusion. Allant à la rencontre d’un public nombreux, diversifié, souvent isolé, recoupant largement le non-public des institutions culturelles, ses structures participent d’un réel maillage culturel du territoire et d’une démocratisation de la culture (dans le sens, rendre accessible la culture au plus grand nombre).
Pour autant, leur situation économique est particulièrement précaire car reposant sur des ressources propres qui couvrent difficilement le « coût de l’itinérance », lié par exemple aux coûts engendrés par la possession d’un chapiteau (montage, démontage...). Autre ressource particulièrement précaire : les emplois aidés qui viennent remplacer les subventions de fonctionnement de façon provisoire, laissant les cies en sursis.
2. Résumé des 2 débats : paroles d’artistes/ paroles de partenaires
François Rancillac, co-directeur de la Comédie de St Etienne, CDN
Laetitia Boulle, directrice artistique de la Compagnie Alter-Nez
Gil Bourasseau, artiste associé à la Compagnie Art mobile
Vincent Gatel, administrateur du CDR Poitou-Charentes
Jean-Luc Grandrie, directeur adjoint des tréteaux de France – CDN itinérant
Hugues Hollenstein, co-directeur artistique de la Compagnie Escale
Bernard Kudlak, directeur artistique du Cirque Plume
Daniel Lawless, membre associé Cie Les Pile ou Versa
Claude Bertrand, vice-président du Conseil Général de l’Isère
Hélène Breton, vice-présidente du Conseil Régional Midi-Pyrénées, en charge de la Culture, du Patrimoine, de l’Audiovisuel et de l’Identité régionale
Francis Parny, vice-président du Conseil régional d’Ile-de France, Président de la commission Culture et Nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Frédéric Poty, directeur artistique du festival Villeneuve en Scène, Languedo-Roussillon
Jean-Marc Roubaud, député maire de Villeneuve lez Avignon
Modérateur : Christophe Galent, scrétaire général du Théâtre le Passage, Centre de création artistique de Fécamp
Des constats :
L’itinérance, un secteur qui souffre d’une grande fragilité économique et juridique :
Bernard Kudlak du cirque Plume parle du « coût de l’itinérance ». Un chapiteau coûte 3 millions à l’année, comme un théâtre. La hausse du coût des carburants handicape également le secteur. Beaucoup de cies, même très connues ont cessé d’exister pour des causes économiques (ex : les Arts Sauts). D’une manière générale, les cies de cirque dotées d’un chapiteau sont en train de disparaître par manque de moyens.
le directeur du festival Villeneuve en scène insiste sur la situation le plus souvent totalement illégale dans laquelle travaillent les troupes itinérantes.
Dans son festival, les cies sont invitées mais les spectacles ne sont pas achetés, les troupes se paient à la recette.
exemple d’artistes de renommée mondiale sous-payés : les acrobates des Arts Sauts travaillant en Asie sur une création pour 5000 francs par mois.
Un manque de lieux de création, de production, de résidence pour les cies itinérantes
Des problèmes de diffusion : manque de reconnaissance de la part du réseau institutionnel et manque d’emplacements pour les accueillir en centre ville
Pour pallier à ces difficultés, une nécessité : inventer de nouvelles articulations entre les collectivités territoriales et l’itinérance.
Deux obstacles majeurs :
Comme le souligne Hélène Breton, les collectivités territoriales qui travaillent à éviter l’événementiel, l’éphémère et à préférer la permanence peuvent être réticentes à financer des cies itinérantes.
La non appartenance des cies itinérantes à un territoire.
Des réponses :
L’itinérance ne s’oppose pas à la permanence mais à la sédentarité. On peut travailler la permanence culturelle sur un territoire grâce à l’itinérance. Soit par un retour régulier des cies et une fidélisation des publics (ex : les baladins du miroir), soit par une politique volontariste d’accueil de ces cies qui assurent une permanence culturelle sur le territoire,notamment là où l’offre fait défaut.
L’accueil d’une cie itinérante implique souvent plus qu’une simple représentation : il s’agit d’une présence artistique en amont du spectacle, qui peut, par exemple, donner lieu à des actions culturelles, ateliers, visites, etc...
Le choix du soutien à l’itinérance apparaît comme un véritable choix de politique culturelle. Une politique culturelle adaptée à la diversité d’un territoire, qui prend résolument en compte l’ensemble des publics : une politique volontariste d’accessibilité de la culture.
Quelles pourraient être les modalités de l’engagement des collectivités territoriales dans le soutien à l’itinérance ?
Un constat : Il n’y a aucun obstacle juridique aux conventions interrégionales, et il existe déjà des exemples de solidarité inter régions (centre/ PACA par exemple).
Il serait donc envisageable de :
Mettre en place un fond dédié à l’itinérance et financé par toutes les régions
Organiser des tournées trans-régionales grâce à une coopération des programmateurs en région
Se pose donc la question de la programmation. Les collectivités doivent s’entendre sur qui financer. Selon quels critères ? Là est sans doute un enjeu de taille.
Quelques autres pistes d’actions :
Étendre l’aide à l’itinérance aux compagnies itinérantes de théâtre, danse,... (cette position est notamment défendue par le SCC, dont la présence à la journée témoigne d’une belle solidarité entre les acteurs du secteur de l’itinérance)
Financer des lieux de résidence, production.
Aménager des emplacements au coeur des villes
Reste un enjeu de taille : l’intermittence, qui garantit moins de précarité. Ce régime est à défendre, et là aussi les collectivités ont leur rôle à jouer.
3. Enjeux internationaux du théâtre itinérant
Jacques Peigné, coordinateur général pour le spectacle vivant et la musique à CulturesFrance
Nele Paxinou, directrice artistique des Baladins du Miroir (Belgique)
John Kilby, membre fondateur et président d’honneur du CITI
Quel rôle pourrait endosser le CITI afin de favoriser le travail à l’international des cies itinérantes ?
Faire se rencontrer les acteurs (car c’est souvent d’une rencontre que découle une diffusion, une coproduction)
Être un espace de mutualisation des expériences d’itinérance à l’international des cies (transmission des savoirs acquis par l’expérience)
Être un espace ressource concernant les modalités juridiques de la circulation des artistes entre les pays
Conclusion de la journée par le Thierry Pariente, délégué au Ministère de la culture et de la communication
« La conclusion de ce genre de débat n’est que l’introduction des politiques à venir ».
Affirmant avoir compris les enjeux et difficultés du secteur (dont il fait un bref résumé), Thierry Pariente déclare partager l’inquiétude des acteurs culturels quand à la politique culturelle menée par l’actuel gouvernement.
Les qualités du secteur à ses yeux : décloisonnement des domaines artistiques et véritable relais d’une politique culturelle en faveur de tous les publics.
La première mesure qu’il défendra et qui est primordiale :
étendre le soutien à l’itinérance au théâtre itinérant.
Projets qu’il défendra :
une fabrique des théâtres itinérants (lieu de résidence/ création/production) à Villeneuve Lez Avignon
un centre de formation à l’itinérance avec les Tréteaux de France (centre de compagnonage) en Seine et Marne.
Et pour finir : quelques paroles d’artistes
Jacques Livchine (co-directeur du Théâtre de l’Unité)
Contre l’excellence culturelle, pour un retour au théâtre des origines, sur la place publique, populaire, ouvert.
« Le théâtre actuel est bourgeois, confiné, consanguin, c’est une batârdise du théâtre, avec, pour origine, des nobles qui se sont acheté des artistes ».
Jean-Luc Grandrie (Les Tréteaux de France)
« Je ne suis jamais reçu par un directeur de scène nationale, même si je souhaite travailler avec eux je ne peux pas. »
« Nous travaillons là où il y a un désir d’utilisation du théâtre comme outil social ».
Hugues Hollenstein (co-directeur artistique de la cie Escale)
« Nous sommes un théâtre de proximité qui vient de loin et qui porte un ailleurs. »
Bernard Kudlak (directeur artistique du Cirque Plume)
« Une rencontre de vivants à vivants, c’est ça notre métier. »
« Les troupes itinérantes sont le prolétariat des arts vivants »
« Quand on donne de l’argent public à l’itinérance, on redistribue des subventions culturelles à des publics qui n’en bénéficient jamais »
Hervée Delafond (co-directrice du Théâtre de l’Unité), à propos des scènes nationales, s’adressant aux représentants de la DMDTS présents :
« Vous gavez des dragons qui sont morts depuis longtemps ! »