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le 31/07/2003 par Fredpar Marlène Llop

Chronique avignonnaise

récit
Des stagiaires en Avignon...


Toulouse - Montpellier - Avignon.
Départ 13h11, Arrivée 16h50 (le retard n’est plus une option à la SNCF)... Tsit-tsit-tsit...les cigales et la chaleur...ne sont pas en grève. Bienvenue à Avignon !
Nous y passerons 4 jours de réunions-débats en forums-rencontres. C’est une ambiance particulière, celle de l’après 14 Juillet, de l’après annulation du IN, le moral des troupes n’est pas au plus haut, et les quelques parades des compagnies Off non- grévistes qui défilent dans les rues en distribuant tracts et sourires ressemblent à une mauvaise mascarade...
Impressions, vécus, analyses, c’est des photographies avec notre angle de vue, notre vitesse d’obturation, nos portraits. Il y a sûrement des ratés, des sur ou sous expositions, des flous, mais c’est des instantanés qu’on a voulu vous faire partager.






« Ton beau capitaine », met en scène la correspondance d’une haïtienne à son mari, ouvrier agricole émigré en Guadeloupe. La pièce navigue par le son, du réalisme au fantastique, de la présence/absence matérielle à l’envahissement imaginaire d’un autre lieu, d’un autre être.
Dans « un théâtre pour la vie » Christophe Théry invite au voyage à travers l’art, initie au plaisir : découvertes, drôlerie, invention, foisonnement de jeux de scène, performances de comédiens...
Le théâtre du Maquis présente « Falesa », des aventures haletantes dans le Pacifique, des poursuites dans la brousse, des tabous, un mariage bidon et une histoire fiévreuse d’amour ...
« Donc », trois individus ne peuvent supporter qu’un quatrième ne se mêle pas à leur conversation et se taire... L’histoire de l’impasse de discours, la parole utilisée comme un instrument face à la peur du vide, un univers où le singulier flirte avec l’universel.
De nos jours, en France, le temps d’un trajet ordinaire, deux femmes rescapées nous parlent de leur souffrance, de leur combat. « Alger, ma blanche » de Jean-Jacques Greneau. Comme un hymne à la résistance.
« Le carnaval des dupes », le décor est planté au XVIIème siècle dans un quartier populaire de Venise. Sur fond e spéculation immobilière et de révolte, une intrigue menée tambour battant dans un style débridé de la Commedia dell’Arte.

Et Alors ?

Rien.

Ces histoires, ces textes, ces comédiens, ces auteurs, ces joies, ces douleurs, ces rencontres que permet le théâtre en général, et les compagnies du off d’Avignon en particulier, vous n’en saurez pas plus que ces quelques lignes sorties des tracts laissés à l’abandon dans les casiers de la Maison du Off, rue Buffon, face au Palais des Papes.
Migration Culturelles Aquitaine Afrique, l’attrape théâtre, le théâtre du Maquis, le théâtre de l’éphémère, Cie le Minotaure, Lazzi Théâtre font partie de cette centaine de compagnies décidées à peser de tout leur poids sur le protocole d’accord signé fin juin par le MEDEF et des syndicats minoritaires, que le gouvernement s’apprêtait à amender avant de faire « faussement » marche arrière en fixant seulement un délai d’application au 1er janvier 2004.
Le 9 juillet, des compagnies du off décident la grève reconductible.

Le 15 juillet, nous (stagiaires au couac, collectif urgence d’acteurs culturels de l’agglomération toulousaine) partons en Avignon et rejoignons au camping de Villeneuve les Avignon - de l’autre côté du Rhône - le Lazzi théâtre avec Martine, Guilleumette et Guillaume, Antoine, Lalou, Jean-Paul, Patrick et Stéphane.

Le mardi, l’équipe du Lazzi simule au volant de leur camion un départ d’Avignon avec force klaxon après avoir bloqué en chaîne humaine les portes de la cité pendant 507 secondes. Mais l’histoire du festival est déjà derrière eux. Le « in » annulé, les compagnies du off se sont divisées sur la procédure à suivre : mourir maintenant ou dans quelques mois ? Jouer ou ne pas jouer ? Plusieurs milliers d’euros sont nécessaires pour jouer au off (location d’un créneau horaire, déplacement, communication,...) Le sacrifice en vaut-il la peine ?

A certains qui semblent être déchirés entre le besoin de jouer et l’envie de ne pas céder, d’autres rétorquent la nécessité de lutter par la grève, par l’implication dans les commissions de travail mises en place par la coordination des intermittents d’Avignon, dont la permanence est assurée toute la journée à la Chartreuse St Charles.

S’ajoute des cas de conscience, des changements d’avis permanents : « jouera-jouera pas », des conflits internes aux compagnies, l’exemple d’Antoine, régisseur lumière gréviste, devant tout de même occuper son poste lors de représentation de compagnie non-gréviste. Et le porte-monnaie qui fait souvent flancher la balance.
L’éternelle question de la fin et des moyens. Quels moyens pour quelles fins ? La fin n’est elle pas terriblement pressentie ?

Selon les sources, c’est au minimum 15% des intermittentes qui se verraient chasser des annexes 8 et 10 des assedics ; d’autres sources parlent de 40% d’intermittents bientôt privés de leur assurance chômage.

Partout en France, des assemblées générales de syndiqués et de non syndiqués (faisant mentir la plupart des médias qui ne voient dans ce conflit qu’un bras de fer Gouvernement/CGT) s’organisent, mènent des réflexions, analysent le protocole (qui n’aurait pas été seulement lu, dixit Aillagon), élaborent des communiqués. Ça s’attrape, ça se défend, ça pinaille, ça avance quand même. Ça dépasse même le seul cadre de l’intermittence.

Avignon est aussi le théâtre de cette réflexion globale sur la culture, son financement, son rôle dans la transformation de la société.
A la Chartreuse de Villeneuve, épicentre d’un festival alternatif qui accueille lecteurs, penseurs et « débatteurs », la matinée de mercredi a ainsi permis de faire le point sur différentes réunions-rencontres susceptibles de donner naissance à un futur syndicat national des arts vivants (SYNAVI) dont le but serait « d’être une force de propositions et de réflexions sur les arts vivants ; de défendre des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu’individuels, des structures artistiques et culturelles (et de leurs représentants) ; de mener et poursuivre une réflexion sur l’économie du spectacle vivant qui ne soit pas seulement une économie de marché, mais qui se rapproche d’une économie solidaire partagée. »

Un syndicat ou une représentation de structures en tout cas assez forte pour s’opposer au morcellement des secteurs disciplinaires opéré par les pouvoirs publics (pour plus d’infos : http://futursyndicat.free.fr)

Le soir, autour de Jean-Marc Adolphe, rédacteur en chef de la revue « Mouvement », des discussions visionnairement intitulées « A demain » servaient d’exutoire instructif où étaient invités des théâtreux et des hommes politiques. De prises de becs en prises de position, l’échange avait au moins le mérite d’être proposé. Certains se lamentant de l’absence de visionnaires, d’autres (Jacques Ralite, sénateur PC invitant aux « Etats généraux de la culture »), soucieux de fustiger le culte de la différence qui devient indifférente aux autres différences, mettant l’accent sur la nécessité d’établir un dialogue : ce dernier souhait était d’autant plus opportun que les débats semblaient malheureusement tourner aux monologues peu efficaces.
Beaucoup d’idées circulent. Pour ne pas faire que du vent (puisse ce vent nous mener dans la bonne direction) l’intérêt est de prendre assez de hauteur (autant de hauteur dirons-nous que puissent nous permettre nos pieds sur terre) pour appréhender le problème de l’intermittence autrement que par la seule visée corporatiste de défense de métiers très divers (qui sont déjà une réponse à ce soi-disant corporatisme).

Dans cette optique, le travail des précaires associés de Paris (PAP) semble fondamental. En plébiscitant un élargissement du régime de l’intermittence à d’autres catégories professionnelles, les Pap mettent le doigt sur le véritable intérêt et sur l’esprit novateur de l’intermittence.

Revenant sur la « sécurité » très à la mode sarkozyenne, le PAP écrivent le 3/07/03 :
" La sécurité a une fonction progressive et émancipatrice lorsqu’elle définissait une politique de couverture des risques sociaux des ouvriers et des prolétaires dans la production et dans la vie. Aux changements des risques (précarité, chômage, flexibilité, pauvreté) que la nouvelle organisation de la production capitaliste impose, n’a pas suivi une politique de couverture sociale adéquate. On est encore dans une logique selon laquelle la couverture sociale est indexée au travail (malgré l’extension de la couverture maladie) ou plus précisément à l’emploi. Il est clair que tous ceux qui n’ont pas droit à la sécurité sociale ont droit à la police. »

Le discours des PAP est peut-être militant. Il est surtout courageux parce qu’il va loin en ce qu’il bouleverse l’ordre habituel des choses et propose des alternatives innovantes. Tel n’est pas le cas des partis politiques de la gauche traditionnelle (fausse gauche ?).

La FNESER (fédération nationale des élus socialistes et républicains) tient annuellement des réunions professionnelles à Avignon depuis plus de 20 ans.
De grands discours auxquels on ne peut plus croire. Le PS semble vraiment amnésique et n’a toujours pas pris la mesure de l’événement. Faute d’engagements valides, il nous semble prendre le risque de se retrouver dans la même position qu’en 2002, lors des prochaines échéances électorales, dépassé à gauche par des courants plus revendicatifs et à droite par des figures « sécuritaires » rassurantes.



  • été 2003 (revue de presse)

  • en Avignon

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  • Tribune intermittent

  • Veille Intermittence