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le 10/03/2008 par Claude Sicre

Pour et Contre

contribution




Cela fait trente ans maintenant (et même un peu plus) que nous avons décidé, d’abord très intuitivement puis de plus en plus consciemment, de travailler à la construction de « contre-pouvoirs », dans l’incompréhension générale de nos concitoyens intellectuels et militants (concitoyens toulousains ou français), mais pas dans celle de multiples personnes, ici ou là, qui, sans théoriser (je parle de théorie comme « discours de la pratique » H. Meschonnic), ont agi et agissent dans ce sens.

Qu’est-ce « nous » ? Multiple et fluctuant au gré des actions et, hélas parfois, des modes d’époque. Le noyau fut, et reste, le Comité de Quartier Arnaud Bernard, Le Carrefour Culturel Arnaud Bernard, Escambiar, la revue Linha Imaginot.

Quelle est l’histoire de cette décision ? Peut-être plus marqués par le début des années 60 (belle date que 1966) que par 68, à l’opposé des idéaux de Mai 68 mais traversés par eux et en partie déterminés par eux, nous décidions, au milieu des années 70, de ne pas chercher d’ « ailleurs » :
- ailleurs sociaux/familiaux : communautés de différents genres ;
- ailleurs géographico-culturels : les îles bienheureuses, l’Inde, le Népal, Ibiza, les campagnes, Paris...
- ailleurs politico-géographiques : URSS, Cuba, Chine, Palestine…
- ailleurs demain : après la révolution, l’âge d’or revenu, etc.

Et nous décidions de faire tout, tout de suite, là où nous étions, avec tous les gens qui étaient là, pour combler nos désirs d’aventure, notre éthique et nos imaginations. Cela nous a amené au Comité de Quartier Arnaud-Bernard, d’abord, où nous avons appris, peu à peu, ce qu’était une concitoyenneté de quartier (la théorie de la concitoyenneté venait plus tard, au début des années 90, par le concept de « civique »). Notre compréhension de ce que nous faisons est venue, principalement, de notre affrontement avec le monde politique :
- les partis et mouvements de gauche ou d’extrême-gauche nous prenaient, spontanément, sur la base d’apparences – communauté de préoccupations, de styles de vie – pour des « relais », au ras du peuple, de leurs objectifs. Le Comité de Quartier rassemblant des gens de tous bords sur le seul fait qu’ils habitaient le même quartier et qu’ils avaient des problèmes communs, notre prise de conscience a été rapide : pas de politique (au sens politique des partis) au Comité de Quartier ! Chose très difficile à expliquer aux monomaniaques du Tout est politique, mais que la participation à quelques réunions et à quelques actions suffit à éclairer définitivement.
- les partis de droite et du centre avaient exactement la même opinion, sur la base des mêmes apparences. Au pouvoir, ils nous considéraient comme des sous-marins de l’opposition politique. Il fallait bien leur expliquer – ils ont un peu compris au bout de vingt ans, et encore ça dure – que nous étions autre chose (quand, dans une action précise, ils voyaient avec nous des gens qui, de notoriété publique, votaient pour eux, ils se posaient des questions).

Contre-Pouvoir Civique

Le concept de civique (vecteur actif de l’état de concitoyenneté – ici de quartier – qui peut être inerte : « on est voisins et voilà »), le civique comme on dit LE politique, nous est alors venu, s’est imposé à nous comme une évidence à construire. Mais ce civique, qu’était-il par rapport au pouvoir politique ?

Un frein au penchant naturel des pouvoirs élus de tout faire, de tout décider d’en haut et parfois des choses dont – on le voyait bien dans la pratique – ils ne savaient presque rien (ce qui est normal, il ne faut pas leur demander de tout savoir). Frein qui se manifestait par des lettres, des pétitions, des occupations, des obstructions au travail des services municipaux, des recours en justice, etc.
- une force d’opposition : refus actif de certains projets, par les moyens décrits ci-dessus.
- une force de réalisation : information, organisation de débats, de rencontres (repas de quartier, conversations socratiques), de marchés (livres), de fresque (rue Gramat, mais il s’agit là de civico-culturel), etc.
- une force de proposition : plans pour le jardin, les places, demande d’H.L.M., de Centre Social, de relogement, organisation de marchés (petits producteurs) (avec le Comité des Commerçants).
- une force indépendante : refus de toute subvention pour le Comité de Quartier (qui ne vit que des cotisations et petites activités : loto, buvette, publicité commerciale pour le bulletin, etc.)

L’évidence se faisait jour : nous étions un contre-pouvoir, contre-pouvoir civique. Comme il y a des contre-pouvoirs sociaux (syndicats), des contre-pouvoirs culturels (j’y viens), politiques, économiques, etc. L’histoire, dans ce domaine, ne nous a pas encore rattrapés. La notion de « démocratie participative » qui fleurit partout de puis une dizaine d’années, est floue. Au mieux, elle ne veut rien dire. Au pire, elle dit du vieux : le contre-pouvoir organisé par le pouvoir (conseils de quartier) donc qui est tout sauf un contre-pouvoir (puisqu’en tant que conseil, il n’est fait que pour être consulté, il n’a pas légitimité à s’opposer), le « nous serons le contre-pouvoir dans le pouvoir » des Motivé-e-s. Du vieux rêve autogestionnaire : l’autre liste, encore dans ses rêves exotiques de Porto Alegre, veut donner des budgets à gérer à ces conseils, introduisant hiérarchies, bureaucratie, dépendance, professionnalisme là où bénévolat et militantisme doivent être la règle. Instituant la déresponsabilisation des élus du peuple.

Contre-Pouvoir Culturel

Notre expérience de contre-pouvoir dans le domaine civique (et parallèlement dans le domaine – qui n’était pas à inventer, celui-là – syndical) nous a mené à chercher ce que ça pourrait être dans le domaine culturel.

Dès 1989, à l’occasion des élections municipales, nous organisions, à F.M.R., une journée « Les Artistes invitent les Candidats » où participèrent (avec un concert le soir), Fabulous Trobadors, Cie Lubat, Zebda, Massilia Sound System, Embolada et autres, écrivains, peintres, organisateurs toulousains (c’est là que nous proposâmes – voir chanson Com’on every Baudis, 1988 – un conseil culturel avec des débats mensuels).

Fatigués d’être invités par chaque candidat isolément pour écouter ses promesses, nous avions décidé de mettre tous les candidats en concurrence face à nous, à nos propositions, à nos questions. Ce qui entendait, bien sûr, que ce « nous » existe, que nous faisions une alliance. Alliance de quoi ?

Alliance de gens qui, travaillant dans le même domaine (culture) et ayant des valeurs proches (de toute façon l’action et l’opposition aux pouvoirs rassemblent, les idéologies divisent). Comme les gens qui constituaient cette alliance ponctuelle n’étaient en aucune façon reconnus ou aidés par les pouvoirs publics, ils agissaient en toute liberté, en toute indépendance.
Ce succès, d’une alliance ponctuelle et d’une indépendance subie (sans menace de dépendance) aurait dû être suivi par une nouvelle étape : alliance instituée et déclaration d’indépendance. Les évènements en ont décidé autrement (et les consciences). La notion de contre-pouvoir n’a pas été comprise (nous n’avons pas bien su l’expliquer) et chacun est retourné à ses affaires. L’expérience des Motivé-e-s en 2001 nous a pris à contre-pied. Mais nous maintenons qu’à cette époque-là, comme aujourd’hui, la constitution d’un grand contrepouvoir culturel, demandant des comptes et faisant des propositions à tous les candidats, eut été beaucoup mieux profitable. Nous pensons que ce contre pouvoir reste toujours à organiser.

Alliances, indépendance. Grands mots qui peuvent, à l’expérience, se remplir de vide. Les principaux dangers que, d’après nous, pourraient courir ce contre pouvoir, sont :
- le manque de représentativité : ce danger se combat par l’appel à l’effort militant et la réflexion théorique. Pratiquement, par le respect de la pluralité et donc la recherche, pour toute décision d’action, de l’unanimité (droit de veto).
- le « lobby-isme » » : comme les avant-gardes artistiques, les lobbys sont des groupes de pression en vue d’arrivisme de groupe, dans le dos du peuple. Ce danger se combat par le respect de la démocratie en général et par celui des élus en particulier (il n’y a pas plus respectueux de la démocratie représentative que les contre-pouvoirs qui, sans cesse dans la pratique, tentent d’en guérir les travers)
- le rognement de l’indépendance : pour nous, ce mouvement d’alliés ne doit recevoir, en tant que tel, aucune subvention de qui que ce soit.

Pour Toulouse Capitale

Notre posture est on ne peut plus claire :
- pas d’avancée culturelle sans avancée de la démocratie et de la pluralité ;
- pas d’avancée de la démocratie et de la pluralité culturelles sans le décentralisme culturel comme premier objectif (national, donc) ;
- pas de « décentralisme culturel » sans constitution de pôles intellectuels faisant contre-pouvoir à la capitale (les « contre-capitales » de F. Castan), Toulouse ayant un rôle spécifique dans ce mouvement ;
- philosophie de la pluralité culturelle (droit à l’égalité, organisation de l’émulation entre les oeuvres, de la tension entre projets, de la critique) contre la philosophie de la diversité culturelle (droit à la différence, constitution de ghettos, tolérance envers les minorités – qu’en reconnaissant comme telles, on contribue à minorer – pour le plus grand profit de l’unitarisme).

En ce qui concerne Toulouse 2013, nous rappelons que nous sommes par principes (au pluriel) opposés à ce genre de concours culturel entre les villes. Comme toute authentique oeuvre d’art crée les critères qui serviront à la jauger, une ville-capitale doit, en se construisant, inventer les critères de valeur de son action. C’est seulement ainsi qu’elle peut trouver son originalité, c’est-à-dire ce qu’elle doit être (au regard de l’intérêt général).

Le concours entre villes et le jury européen risquent d’amener :
- le formatage des projets, selon ce que l’on pense qu’il faut être pou être dans la norme déjà posée (le cliché) et extérieure (irresponsabilisation, minorisation des habitants) ;
- la recherche d’originalité ornementale, décorative, pour se démarquer du voisin, au détriment de l’originalité authentiques qui sourd des contraintes du terrain ;
- la recherche du spectaculaire et du grandiose au lieu de la recherche de la résolution, par le haut, de conflits entre de mini et multiples fonctionnalités ;
- la construction systématique de grands équipements (parfois nécessaires) au détriment des bricolages pluriels ;
- l’appel à l’opportunisme (« qu’est-ce que je pourrai pondre, comme projet, pour pouvoir entrer dans Toulouse 2013 », phrase plusieurs fois entendue) ;
- la mainmise des grandes institutions ou de grandes sociétés culturelles saupoudrant le terrain pour faire pluriel (exemple Marathon des Mots) ;
- le patrimonialisme : recherche de spécificités « ethniques » et leur embaumement, s’opposant aux transformations nécessaires ;
- la dérive auto-promotionnelle des pouvoirs politiques en place ;
- la démobilisation des habitants, associations et contre-pouvoirs face à ce monstre d’organisation par le haut qui leur échappe (il se trouvera bien quelque bonne âme pour organiser des « consultations », genre micro-trottoirs ou réunions tupperwarre) « dans les quartiers », comme ils disent au lieu et en place de ce que l’on devrait toujours chercher : une mobilisation permanente des habitants pour une grande aventure commune ;
- le manque total de place pour le débat sur les enjeux (ça a déjà commencé : qui ose être contre Toulouse 2013 ?).

Dans la mesure où les pouvoirs nouvellement élus maintiendront ce projet, nous en prendrons notre parti et bataillerons contre toutes les tendances néfastes que nous venons d’examiner. Et proposerons d’autres voies pour le projet maintenu.

C. Sicre
Bien qu’employant le nous – ici, pour l’histoire du mouvement – je n’ai pas le temps de le faire valider et, donc, ce texte n’engage que moi.



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