POINT DE VUE 2: UNE BRÈCHE ENTRE LE PASSÉ ET LE FUTUR - OCT. 2010
Dans cet article Claude Renard, expose un bref historique des "Nouveaux Territoires de l’Art" et soulève l’épineuse question des labels dont celui d’ "Académie des Arts"...
Introduction de Hannah Arendt à son livre : La crise de la culture
Je commence cet article par des guillemets et je résiste mal à la tentation de ne faire que des citations aujourd’hui plus que jamais j’ai besoin de leurs lumières et ces guillemets sont comme des loupiottes qui m’aident à sortir des impasses. Elles donnent au passé une couleur de présent et au futur un gout de revenez y. Le temps est alors sans limite et l’espace sans frontières « incertitude oh mes délices vous et moi nous nous avançons, comme s’en vont les écrevisses à reculons, à reculons  » APOLLINAIRE
Je vais reculer pour mieux avancer, sans nostalgie jusqu’à ces 3 jours de colloque en février 2002, qui a réuni à l’initiative de Michel DUFFOUR (secrétaire d’État au patrimoine et à la décentralisation culturelle) dans une dynamique de projet interministériel, mille participants, du local à l’international  » pour défricher les Nouveaux Territoires de l’Art (NTA) à la Friche la Belle de Mai à Marseille. « ...quand pour tout l’art du monde on se donne rendez vous dans un port, le regard porté sur le monde lui même ne peut être tout à fait le même  » déclare le secrétaire d’État en ouverture.
Pour contribuer à cette évolution qui ne se voulait pas une fin, mais un levier, une mission était préconisée dans ces termes :
« Pour mener à bien cette nouvelle étape du développement culturel, il faut considérer :
Avant tout le contexte local, afin que soient prise en considération les aspirations des populations et la force de propositions artistiques,
C’est pourquoi il n’est pas seulement préconisé un soutien aux expérimentations, mais davantage d’expérimenter une nouvelle politique publique.
Il s’agit de constituer une mission ad hoc qui aura comme vocation d’accompagner les projets par l’appui aux collectivités locales, l’appui aux services déconcentrés de l’état, l’appui à la réflexion transversale au sein des différents Ministères concernés, la négociation de partenaires globaux  ».
Elle devait être constituée de 5 ou 6 cadres issus des différents Ministères...
On connait hélas la suite, le changement de majorité en mai 2002 a cassée cette dynamique. Il est resté une chargée de mission issue de la DIV (Délégation Interministérielle à la Ville) et une convention avec le Ministère de la Culture et de la Communication et le Groupement d’Intérêt Public l’Institut des Villes qui avait été sollicité pour accueillir cette mission.
Rescapée, comme m’a nommée M. DUFFOUR j’ai essayé de résister et d’assurer avec ce minimum le maximum de veille, d’accompagnants et de capitalisation soutenue par les équipes regroupées dans l’association AUTRESPARTS, le collectif du COUAC, des personnels, des administrations, notamment de la culture, des élus, comme ceux de l’agglomération de Toulouse qui n’ont pas renoncé à porter les NTA dans leurs politiques et surtout comme E. HERVE qui, présidant l’Institut des Villes ne s’est pas contenté d’héberger la mission, il a favorisé sa réflexion, sa crédibilité au près des élus et soutenu , l’organisation de colloques, de séminaires, de rencontres régionales qui permettaient d’ établir un état des lieux entre tous les partenaires, de mutualiser les initiatives porteuses de solutions innovantes trouvées pour surmonter les difficultés rencontrées sur les territoires. Avec le Conseil d’Administration de l’Institut des Villes il a particulièrement souhaité la mise en œuvre de deux publications :
l’une rassemblant les propos des 80 intervenants du colloque NTA qui s’est tenu à Marseille paroles plurielles d’élus, artistes, chercheurs, architectes de plusieurs nationalités recueillies par Frédéric KAHN et Fabrice LEXTRAIT.
l’autre PAROLES D’ELUS rassemblent le point de vue d’une trentaine d’entre eux qui sont à l’œuvre pour questionner, produire de nouveaux outils de nouveaux cadre qui sont des pistes d’action des pistes d’envol et de réflexion à partager avec les services de l’état Ils sont première ligne pour installer durablement ces projets atypiques et singuliers, ces trublions d’où peuvent sortir « ces utopies concrètes pour un avenir toujours en friche  » comme le dit Philippe HENRY.
à€ travers leurs récits qui sont autant de rencontres entre politiques et acteurs culturels qui se dessinent une façon de penser autrement la place de la culture dans le développement urbain, social et économique des villes. « Les NTA participent à la ville que nous voulons construire pour demain, ils interrogent autrement l’espace public  ». Ils le reconquièrent pour en faire un espace commun sans formatage, ils imposent aux politiques publiques d’accompagner autrement ces initiatives artistiques, culturelles, citoyennes.
Au-delà des dispositifs sectoriels éphémères des politiques d’État qui morcellent les initiatives et créent des antagonismes qui n’ont comme objectif que d’étouffer les cris pour retrouver la ville la communauté, le commun, phrase qui résumait pour VIRILIO, l’essence de la Rencontre de 2002, Les NTA et leur partenaires ils proposent, bricolent construisent de nouveaux outils plus transversaux, mieux concertés.
Sans l’espace commun où la mission NTA à l’Institut des Villes leurs proposait modestement de partager leurs expérimentations, comme en 2006 au Sénat, que deviendront leurs propositions ?
Quand vous lirez cet article l’Institut des Villes n’existera plus.
On sait aujourd’hui que la mission NTA portée après mon départ à la retraite en 2007, par Fazette BORDAGE n’ a pas survécu malgré les interventions des Associations d’élus membres du GIP, du président BRUNO BOURG BROC et de l’association ARTfactories/Autre(s)pARTs.
St’Art Académie : coà¯ncidence ?
Le flou du partenariat entre la politique de la ville et le Ministère de la Culture et de la Communication a sonné le glas de la possibilité de prolonger la mission NTA, qui malgré de nombreux aléas avait su accompagner le parcours d’élus de service de l’État d’opérateurs culturels, artistes, associations confrontés au besoin d’installer dans une durée suffisante et nécessaire à leurs projets, des espaces capables de les héberger.
Quasi concomitamment émerge du secrétariat d’État porté par Fadela AMARA un nouveau label ACADÉMIE DES ARTS, est-ce une coà¯ncidence ?
Il est rendu public au moment de l’inauguration d’un lieu à Cenon dans l’agglomération de Bordeaux, qui fut préfiguré pendant de longues années par la talentueuse équipe de MUSIQUES DE NUIT.
On ne peut que se réjouir de cette ouverture, mais ils méritaient mieux que d’être labélisés ACADÉMIE DES ARTS.
Une fois de plus un « machin  », même pas un dispositif vient se substituer à la volonté d’inscrire dans la durée une politique de droit commun en direction de projets qui essaient avec des artistes, des citoyens, l’art de vivre autrement, la transformation de la ville de la cité qu’il soient situés ou non dans la géographie qui n’a plus de prioritaire que le nom en ce qui concerne le soutien aux initiatives culturelles.
Ce label au goà »t de brioche rassie ne peut pas remplacer le pain qui nous manque pour installer du durable et du désirable dans nos vies quotidiennes. Il ne nous reste plus qu’à espérer que la convention qui sera signée le 14 octobre 2010 entre le Ministère de la Culture et de la Communication et la politique de la ville permette la naissance de nouveaux possibles...
Claude Renard Chapiro
Agissante culturelle
Membre d’ARTfactories/Autre(s)pARTs