LIEUX INTERMÉDIAIRES ET INDÉPENDANTS : RENTRÉS PAR LA GRANDE PORTE DE LA LOI LCAP POUR FINIR DANS LA POUBELLE DU MINISTÈRE ?


La Loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) votée le 29 juin dernier au Sénat, consacre dans son article 3 alinéa 14, l’un des objectifs poursuivis par cette politique en faveur de la création artistique dans les termes suivants : « Â Contribuer au développement et au soutien des initiatives portées par le secteur associatif, les lieux intermédiaires et indépendants, les acteurs de la diversité culturelle et de l’égalité des territoires. » Or, l’annonce officielle par le Ministère de la Culture et de la Communication des lieux soutenus pour 2016 au titre des « Ateliers de Fabrique Artistique » (cf. tableau ci-dessous) en lieu et place des « Â lieux intermédiaires et indépendants » rompt brutalement avec les principes défendus et la logique du gros travail législatif engagé depuis plus de deux ans par l’ensemble des réseaux et organisations professionnelles réunies au sein de la Coordination nationale des lieux intermédiaires et indépendants (CNLII) et dans laquelle ARTfactories/Autre(s)pARTs est particulièrement engagée. Explication.


Lieux intermédiaires et indépendants : rentrés par la grande porte de la loi LCAP pour finir dans la poubelle du Ministère ?

Le premier Forum national des lieux intermédiaires et indépendants a réuni en janvier 2014 plus de 150 lieux de toutes les régions. Il s’est conclu par la constitution de la Coordination Nationale des Lieux Intermédiaires et Indépendants. Depuis, la CNLII travaille en inter-réseaux régionaux et nationaux, à la reconnaissance et à la structuration des lieux intermédiaires et indépendants sur le territoire national.

Ce travail a, entre autre, conforté un dialogue avec le ministère de la Culture dans le cadre des Assises de la Jeune Création, donnant lieu à des préconisations en direction de ces espaces-projets. Il a permis l’intégration du nécessaire soutien aux lieux intermédiaires et indépendants dans le projet de loi LCAP et trouvé sa traduction dans la loi de finances 2016 via les nouvelles mesures initiées par le ministère (sur chacun de ces aspects, lire l’« historique intermédiaire  » publié à l’occasion du deuxième Forum national, organisé à Lyon, les 12 et 13 mai 2016).

La CNLII a eu l’occasion, lors d’une réunion avec le cabinet le 2 février dernier, d’échanger sur le constat partagé de l’intérêt de ces lieux, sur l’articulation de ce qu’ils génèrent en terme de création artistique et en termes d’intermédiations possibles, notamment entre jeune création/création confirmée, entre création/diffusion/action territoriale et culturelle, entre champs institués et instituants, entre art, territoires et société, entre artistes/processus de création et habitants...

Lors du deuxième Forum national, Bertrand Munin, pour la sous-direction de la diffusion artistique et des publics au sein de la DGCA, officialisait la mise en place d’un groupe de travail associant la DGCA, la CNLII et les DRACs, afin de définir un cadre d’intervention du ministère en direction des lieux intermédiaires et indépendants et, sous réserve de la validation de la Ministre, en déduire une directive d’orientation mise en application en 2017.


L’occasion d’expérimenter une nouvelle possibilité de politique publique au plus près des enjeux démocratiques et citoyens dont l’actualité nous fait chaque jour mesurer l’importance semble s’éloigner une nouvelle fois.

Alors que les annonces officielles et l’apparition de lignes budgétaires spécifiques semblaient annoncer un timide mais réel premier pas vers une reconnaissance spécifique de la contribution de ces lieux (issus d’initiatives de la société civile) à la vitalité et à la diversité culturelle et artistique française, l’établissement d’une liste de 79 structures sous l’intitulé « Ateliers de Fabrique Artistique  » donne la sensation d’un simple dispositif supplémentaire dans l’arsenal du ministère de la Culture, permettant au mieux de répondre à quelques manques dans les dispositifs existants.

L’occasion d’expérimenter une nouvelle possibilité de politique publique au plus près des enjeux démocratiques et citoyens dont l’actualité nous fait chaque jour mesurer l’importance semble s’éloigner une nouvelle fois.

"Les lieux intermédiaires et indépendants n’aspirent pas à intégrer des labels mais à consolider des initiatives persistantes et légitimes, artistiquement et socialement, émanant de la société civile et en très grande proximité de l’innovation artistique comme des expressions les plus éloignées de toute visibilité sociale" a rappelé la CNLII dans son courrier adressé le 15 juin à Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication.

La déception, bien au-delà des lieux, est d’autant plus forte que cet arbitrage semble témoigner d’une forte « verticalisation  » de la politique ministérielle, notamment en direction des labels au moment même où des politiques renouvelées, s’appuyant sur les initiatives citoyennes, sont attendues.

La situation est à la fois décevante et paradoxale : inscrire les lieux intermédiaires dans la loi et les écarter de sa mise en œuvre, c’est poser le problème et refuser la solution ! Faut-il, quinze ans après, y entendre l’écho du pas de deux sur l’air des Nouveaux Territoires de l’Art ?

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Ateliers de Fabrique artistique

source : DGCA

Mis à jour le mercredi 6 juillet 2016