LE BUREAU CENTRAL DE LA MAIN D'OEUVRE À  DUNKERQUE


Pour vous rendre au b.c.m.o :

















Ci-dessous le dossier de présentation du Bureau Central de la Main d’Oeuvre à Dunkerque

I - Introduction

1.1 Présentation de l’Association MYOSOTIS

Créée en 1985 à la suite de l’inscription de la villa Myosotis, le 29 juillet à l’Inventaire Supplémentaire, l’association a pour but : la sauvegarde et la mise en valeur des bâtiments construits sur le territoire dunkerquois et présentant un intérêt architectural, historique, esthétique ou touristique local.

Son activité s’est attachée dans un premier temps à la sauvegarde, puis à la réhabilitation de la villa " Myosotis" maison de bois et qui a donné son nom à l’association.

L’association s’est ensuite consacrée à la réhabilitation de la villa Ziegler, (autre maison de bois remarquable) qui abrite aujourd’hui la Maison de l’Environnement de Dunkerque.

En 1998, l’association s’est consacrée au sauvetage du Feu de Saint Pol, menacé de démolition et obtenu son inscription à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques en 1999.


D’une manière constante, l’association agit plutôt comme propagateur d’idées et conseille les collectivités ou les particuliers en vue de la conservation, de la réhabilitation ou encore de la construction d’édifices. Elle a ainsi contribué à la sauvegarde de l’immeuble "Chez Georgette", la plus ancienne maison dunkerquoise, la constitution de l’association de Cousemaker à Bourbourg ou encore la rénovation de la gare de Gravelines. On retrouve toujours ses membres à la base d’actions décisives pour la conservation du patrimoine local, tels l’ancienne école Lamartine, l’entrepôt des tabacs...

Elle anime un site Internet consacré à la connaissance et à la valorisation du patrimoine dunkerquois. Elle a entrepris depuis l’année 2002 la collecte de témoignages auprès d’anciens mariniers, présentés au Musée Portuaire à l’occasion des Journées du Patrimoine 2003 de Dunkerque, en vue de constituer une mémoire orale locale.

La qualité de ce travail a valu à l’association la remise du "trophée Jean Bart" instauré par la Ville de Dunkerque, en reconnaissance d’actions au service de la collectivité.

1.2 Objectifs du classement

Pourquoi une demande d’inscription à l’inventaire des Monuments Historiques ?

Notre association a été informée par des étudiants de l’école d’Architectures de Lille, en septembre 2003, de l’appel d’offre du Port Autonome de Dunkerque, pour la démolition prochaine du B.C.M.O.
En vertu d’un permis de démolition datant du 4 décembre 2000 dont la publicité a été discrète jusqu’à l’affichage le 9 septembre 2003 sur les portes de l’édifice.
Il est à noter le délai particulièrement réduit pour l’obtention de ce permis, déposé le 23 octobre 2000 et accordé le 4 décembre 2000.
Il n’est pas concevable, pour nous, de voir disparaître systématiquement des édifices remarquables dès lors que leur usage cesse. D’autant que le BCMO se situe à proximité de l’extension urbaine de la ville, sur le paysage du port Freycinet ( projet Neptune, ZAC des Bassins), à proximité d’édifices protégés ( forme de radoub 3, trois mats Duchesse Anne, Bateau feu .
C’est dans cet esprit que nous avons alors écrit à Monsieur le Conservateur Régional des Monuments Historiques pour demander son inscription à l’inventaire des Monuments Historiques et demandé à la direction du Port Autonome de bien vouloir attendre l’avis de la commission Régionale.
Immédiatement, nous avons mené une action de sensibilisation de la population, des élus et des autorités portuaires d’une conférence de presse, d’une exposition de photos réalisée par Bénédicte SIMPER et Maxime CARON.
Un nombre important de témoignages de soutien a été reçu au cours de l’exposition, visitée par plus de 250 personnes.

1.3 Situation administrative

Localisation et Propriété des sols

Le Port Autonome de Dunkerque) est propriétaire de l’ensemble murs et sol de l’immeuble construit en bordure des darses 2 et 3, aux portes de la ville. (annexe 6)

Etat actuel

Il est désaffecté depuis 1996. Le sous-sol est partiellement inondé du fait de la coupure des pompes de relevage des eaux, mais le gros œuvre n’en a pas souffert. Il a subi des actes de vandalisme et de pillage impressionnants.

II - Historique

2.1- Les fondements du BCMO

Le 26 juin 1941, l’Etat français propose l’adoption d’une loi générale réorganisant la manutention afin d’obtenir un rendement maximum des installations portuaires et de mettre fin aux grèves. Le décret-loi remanie totalement le monde de la manutention sur deux points essentiels :
- Le métier de docker devient un métier réservé aux seuls titulaires d’une carte professionnelle. Ils obtiennent le monopole de toutes les opérations de chargement et de déchargement des navires. Ces dockers professionnels doivent se présenter régulièrement pour participer à l’embauche.
- Ensuite le métier devient un métier contrôlé. Pour cela on construit dans chaque port un Bureau Central de la Main d’Oeuvre. Il s’agit d’un organisme paritaire composé de trois représentants patronaux et de trois délégués du personnel. Pensé comme un lieu d’arbitrage entre les intérêts des ouvriers et ceux des entrepreneurs.
Le B.C.M.O. classe les dockers, il recense les besoins journaliers des acconiers et assure l’embauche. Le bureau d’embauche donne son avis sur toutes les questions relatives à l’organisation du travail dans le port, qui lui sont soumises par le directeur du port ou par l’ingénieur en chef du service maritime.

Après la guerre, compte tenu de la disparition du régime de Vichy, la loi relative à l’organisation du travail de manutention dans les ports maritimes fut mise à plat par la loi du 6 septembre 1947. L’esprit de la loi est de définir un statut de docker. Elle réduit la fonction du B.C.M.O., il est chargé de l’organisation et du contrôle de l’embauche. Cette loi instaure une indemnité de garantie pour les dockers professionnels qui n’ont pas été pris à l’embauche alors qu’ils étaient présents.

2.2 -L’embauche au B.C.M.O.

Le docker étant un intermittent, il conclut un nouveau contrat de travail à chaque embauche. Les ouvriers dockers professionnels doivent se présenter régulièrement à l’embauche. L’embauche se déroule deux fois par jour au B.C.M.O. L’offre de travail se fait soit par tranches de 4 heures dites "vacations "soit par tranches de 8 heures dites "shifts". L’embauche et la répartition du travail entre les dockers sont soumises à un contrôle de la part de la commission du B.C.M.O. La priorité d’embauche va à celui qui a été au chômage la vacation précédente. Le B.C.M.O ne fait appel qu’aux dockers professionnels, titulaire d’une carte de travail, en cas d’offre trop élevée, le bureau d’embauche fait appel à des dockers dits occasionnels. A partir de 1977, 250 dockers ont été nommés. Le docker est affecté à une équipe ou brigade qui est préposée au chargement ou déchargement d’un navire. La taille de la brigade est relative à l’importance de la tâche.

2.3 -Le BCMO du port de Dunkerque

Cet édifice a été inauguré le vendredi 19 novembre 1971, construit par les entreprises Caroni et Rouvroy sur des plans de l’architecte Jean Pierre Secq. Son coà »t de construction est de 5 millions de francs, financé par la Caisse Nationale de Garantie des Ouvriers Dockers, par le Port Autonome de Dunkerque, les caisses d’Allocations Familiales et de Sécurité Sociale et le Conseil Général du Nord. Il remplaçait un BCMO situé au quai de Goole datant du 1er janvier 1955 (les travaux de ce dernier avaient été confiés à l’entreprise Ployart de Saint-Pol-sur-Mer ). Le nouveau bâtiment a une position centrale dans le port (au fond de la darse 3 à environ 500 mètres des formes de radoubs inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques). Le BCMO se compose, à l’étage, d’un hall de 1000 M2 entouré de boxes. Au rez-de-chaussée, on trouve le centre social d’une superficie de 1500 M2 avec son restaurant, sa salle de détente avec un bar ainsi que des douches.


En janvier 1972, s’ouvre un restaurant d’entreprise dans les locaux du BCMO. Le restaurant est ouvert aux personnels des 100 entreprises adhérentes de l’U.M.C. (Union Maritime et Commerciale qui rassemble les entreprises de manutention, de consignation et de transit du port). Le restaurant comprenait une cafétéria et une vaste salle de restaurant d’une capacité de 300 couverts. On y servait 10 000 repas par mois. Ce restaurant était géré par un organisme paritaire où siégeaient des représentants de l’U.M.C. et de la Chambre Syndicale des ouvriers du port.

Le B.C.M.O. est fermé depuis 1992, date de l’entrée en vigueur de la loi réformant la manutention portuaire et mensualisant les dockers. Toutefois la loi n’a pas supprimé le B.C.M.O. qui existe donc toujours, en tant qu’institution.

III - Intérêt architectural

3.1- les démarches

Si les démarches de demande d’inscription à l’inventaire supplémentaire des monuments Historiques sont plus communément réalisées concernant des Bâtiments des XVIIIe et XIXe siècles, il ne faudrait pas oublier que certains Bâtiments du XXe siècle peuvent aussi présenter des caractéristiques exemplaires tant du point de vue de leur démarche formelle que de leur mise en œuvre constructive.

Ainsi le BCMO est un exemple particulièrement abouti, conciliant une créativité structurelle et une maîtrise des ambiances lumineuses intégrées à l’écriture architecturale de ce programme.

La menace de démolition imminente qui pèse actuellement sur celui-ci ne résulte, vraisemblablement que d’une lecture hâtive du contexte sans véritablement prise en compte à la fois des qualités particulières de cet ouvrage tout autant que de ses potentialités de reconversion vers d’autres usages.

Notre démarche vise à expliciter l’ensemble des paramètres qui motivent les engagements du comité de soutient formé pour la revalorisation de cet élément signifiant du patrimoine portuaire contemporain.

Il est plus que temps d’intégrer une réflexion susceptible d’appréhender la pertinence et les qualités indéniables de certains bâtiments en site portuaire car ils constitueront à l’avenir la clef de lecture de ces périodes de mutations économiques, sociales et constructives.

3.2- Le parti Constructif : Synthèse historique et programmatique

La construction de ce bâtiment correspondait à la mise en service d’un équipement moderne permettant d’accueillir deux à trois mille dockers pour l’embauche quotidienne tout en offrant des conditions d’hygiène et de confort enfin prises en compte pour ces professions soumises aux intempéries et à l’âpreté du travail de manutention portuaire. Avant les années 70, il n’existait quasiment pas de locaux permettant de se restaurer à l’abri, de se laver dans des conditions satisfaisantes.

En bord de Darse 3 : ce bâtiment a été conçu à l’échelle de son site, l’amplitude horizontale des bords à quai, la démesure des coques et châteaux des cargos.
L’architecte J.P. SECQ a voulu mettre en place un bâtiment rigoureux et puissant dans son expression en adéquation avec la force du travail portuaire.

Si l’expression constructive est de premier abord évidente : un jeu de poutraisons horizontales croisées et superposées en partie supérieure d’une boîte opaque, elle révèle en fait un jeu plus subtil sur l’opacité et la lumière, la masse et la légèreté.

Ainsi, ce bâtiment semble hermétique : les logiques de percements et de répartition de la lumière naturelle semblent minimalistes, or le parcours intérieur révèle, au contraire, une parfaite maîtrise des ambiances et des vues, en liaison avec les composantes du projet.

Le rez-de-chaussée est "en décaissé", il regroupe l’ensemble des fonctions nécessaires à la vie quotidienne :

- Un restaurant de plus de 300 places, réserves et cuisine attenantes,

- Une grande salle de détente de 380 m2,

- Des séries de sanitaires et douches.
Ce rez-de-chaussée est inscrit dans une trame constructive carrée de 32 à 34 m de côté, comportant un maillage régulier de structure « poteaux poutres  » ainsi qu’une ceinture périphérique en voiles béton perpendiculaires.
Ce volume de rez-de-chaussée est en retrait vis-à -vis du volume supérieur sur l’ensemble du pourtour, ce qui accentue l’effet de « décollement  » du 1er niveau.
Le 1er étage qui accueille le hall d’embauche de plus de 1 000 m2, bordé par les bureaux des contremaîtres, est clos par des façades opaques en panneaux de gravillon lavé sur une trame verticale régulière.
La structure de plafond du hall d’embauche est constituée par une maille croisée de poutres en béton armé de 2 à 3 m de hauteur.
Cette structure forte à l’impact cyclopéen diffuse un éclairage zénithal au travers de lignées de lanterneaux filants en parties supérieures, une bordure périphérique entièrement vitrée, située en parties hautes des parois renforce l’image saisissante d’une nappe de béton en « lévitation  ».
Le report latéral des descentes de charges est traité de manière quasiment imperceptible par le jeu subtil des superpositions de nappes.
Composition des percements en façades : la majeure partie des façades est opaque cependant la façade Est comporte une série de percements verticaux permettant une vue directe des bureaux sur le fond de darse. Le travail de composition formelle de différents types d’éléments est lui aussi particulièrement significatif ; : cheminée triangulaire de chaufferie en bordure latérale Nord, escalier de secours en façade Est, l’ensemble révèle un travail plastique soigné, alternant les dynamiques d’équilibre des volumes, de jeux de cadrage du paysage.

3.3- Etat constructif

Il faut noter l’état de conservation particulièrement favorable du bâtiment malgré le saccage et les dégradations qui ont été réalisées ces dernières années sur le second œuvre , l’ ensemble de la structure béton est en effet dans un état remarquable (pratiquement aucun éclatement constatable ) en correspondance avec le sérieux et le savoir faire qui ont été développés par les entreprises lors de la construction du projet *.
Les dégradations importantes concernent les ensembles vitrés et lanterneaux de couverture, l’enlèvement des réseaux de fluides et courants forts, faibles et appareillages correspondants, ainsi que des dégradations sur les anciens agencements et équipements sanitaires.
Il serait cependant particulièrement judicieux de réaliser les travaux permettant d’assurer l’étanchéité du bâtiment aux intempéries afin d’éviter la poursuite de dégradations qui pourraient s’avérer préjudiciables (gel en parties inondées, phénomènes de corrosion etc.

* l’ensemble des parois porteuses et parois séparatives du bâtiment sont en béton coulé sur site ou préfabriqué (panneaux de façades et panneaux principaux intérieurs, les surfaces de dallage de rez de chaussée et d’étage sont carrelées .

3.4- Du Brutalisme au B.C.M.O.

Si l’on peut voir dans le travail de l’architecte suédois Hans Asplund (1885-1940) un tenant du fonctionnalisme, c’est en Grande-Bretagne, à la fin de 1952, que trois confrères anglais, amis d’Asplund, introduisirent le terme neo brutalist. Ce terme céda bientôt la place au terme de new brutalism, apparu dès 1953 dans l’entourage du couple britannique Margaret Alison et Peter Smithson, auteurs de la Secondary Modern School (1954) à Hustanton dans le Norfolk. Ce bâtiment constitue le premier exemple de ce qu’on appelle depuis lors, en français, « brutalisme ».

Les solutions techniques, le style

Le brutalisme des Smithson, très influencé par l’esthétique de Mies van der Rohe, c’est-à -dire l’exhibition la plus franche possible de la structure de l’édifice, dépasse cependant celle-ci par ses solutions techniques plus « brutales », par exemple par des canalisations visibles ; Il n’est pas éloigné non plus du concept structural et spatial qui en 1953 avait régi la construction par l’américain Louis Kahn du bâtiment de l’Art Center de l’université Yale à New Haven (Connecticut, États-Unis). Il impose moins un nouveau style d’architecture qu’une nouvelle manière de résoudre les problèmes actuels de construction. Pour de nombreux critiques et architectes, le brutalisme en tant que style est né en 1956 au moment où Le Corbusier achevait les maisons Jaoul à Neuilly. Ces petits immeubles de gros béton armé et de brique devinrent en effet la principale source d’inspiration d’un courant brutaliste dont l’anglais James Frazer Stirling fut considéré comme le chef de file (ensemble résidentiel de Ham Common, Londres, 1958).

Le brutalisme comme mouvement international

Vers 1960-1965, l’audience internationale que rencontrèrent les théories brutalistes fit naître d’autres courants, entre autres un brutalisme essentiellement basé sur le respect des formes du terrain à bâtir et l’aménagement fonctionnel des espaces intérieurs réservés à la circulation (habitations de Park Hill, construites à Sheffield de 1961 à 1966 par J. Lewis Womersley, Jack Lynn et Ivor Smith). Les principes brutalistes ont également trouvé différentes applications à travers le monde, notamment en Suisse (ensemble d’habitation Halen, près de Berne, 1961, par le groupe de l’Atelier 5), au Japon (immeuble d’habitation Harumi, Tokyo, 1958, par Kunio Mayekawa) et en Italie (Instituto Marchiondi, Milan, 1959, par Vittoriano Vigano).

Le brutalisme en France

En France, l’influence du brutalisme se remarque dans certaines réalisations de Claude Parent et de Paul Virilio ( église de Sainte Bernadette à Nevers en 1966), mais aussi au sein de l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture ( A.U.A), avec Jacques Kalisz et Jean Perrottet qui réalisent la cité administrative de Pantin en 1972. A la même époque est inauguré, à Dunkerque, le BCMO de Jean Pierre Secq, en 1971.

Le Bureau Central de la Main d’œuvre

Le BCMO, semble jouer habilement avec la symétrie, la géométrie simple des formes et l’exaltation d’une structure colossale génératrice de lumière. Le tout mis en scène par le béton brut de décoffrage, qui dévoile la grossièreté de ses agrégats et le fil du bois de coffrage, pour créer une surface architectonique d’une noblesse rude.
Le programme original possède une grande dimension sociale. Le rez de chaussée comprend un centre social de 1500m2, avec un restaurant qui pouvait servir deux fois 300 repas, une salle de détente avec un bar et un ensemble de douche. Au premier étage on trouve un hall d’embauche d’une superficie de 1000m2 sans poteaux, entouré de boxes, de bureaux administratifs et de la cabine centrale de contrôle de l’embauche.
Ce qui fait toute la valeur architecturale du BCMO, est sa double lecture possible, à la fois brut, lourd et très rationnel de l’extérieur, il parait léger, subtil et poétique de l’intérieur, avec de belle transparence architectural et de beau cadrage sur la mer.
Le BCMO cristallise à la fois le caractère industriel du port avec tout son esthétisme, et le caractère poétique de la mer.

3.5 - L’architecte, Jean-Pierre SECQ

Après des études d’architecture il entreprend des études d’arts à l’Ecole National Supérieur des beaux-arts de Paris. Il a travaillé dans l’atelier de Pontremolli-Lecomte. Jean-Pierre SECQ a obtenu 5 médailles : Histoire de l’architecture, Archéologie, Construction, Stéréotomie et le projet de 1ère classe. Diplômé par le gouvernement en 1954. Il est retenu pour le prix du meilleur diplôme année 1953-1954. Jean-Pierre SECQ est médaillé de la S.A.D.G.
Voici quelques réalisations de l’architecte Jean-Pierre SECQ :

- 1961 : Ecoles primaires et maternelles, Wattignies
- 1961-1962 : Centrale, Dunkerque (EDF)
- 1962-1963 : Aéroport, Lille
- 1965-1968 : Résidence 850 logements, centre commercial et foyer des jeunes, Lille sud
- 1968-1969 : Bureaux de la Sécurité Sociale, Lille
- 1966-1967 : Confiserie « La pie qui chante  », Wattignies
- 1967-1968 : Brasserie du Pélican bureaux et embouteillage, Mons en Baroeul
- 1966-1971 : Quartier des Oliveaux, 2500 logements H.L.M, Loos
- 1968 : Lycée, Haubourdin
- 1969 : Gymnase, Loos
- 1970 : Bureaux de la Société des Eaux du Nord, Lille
- 1970 : Serre Equatoriale du jardin botanique, Lille
- 1970-1971 : Domaine du moulin d’Ascq 250 logements individuels, Annapes
- 1971 : Bureau Central de la Main d’Oeuvre, BCMO, Dunkerque
- 1972-1974 : Centre Directionnel Métropolitain « le forum  » (25000 m_), Lille
- 1974 : Extension de l’aérogare
- 1975-1976 : Tour Mirabeau 53 logements, Loos
- 1975 : Eglise, Faches-Thumesnil
- 1976-1978 : Construction de 501 logements collectifs H.L.M avec locaux commerciaux, Saint Saulve
- 1980-1981 : Eglise, Saint Saulve
- 1982 : Halte garderie, Saint Saulve
- 1983-1985 : Espace international de sports et de loisirs, Gravelines (Sportica)
- 1986 : Equipements communaux (Bowling, patinoire, cinémas et centre d’hébergement, Gravelines)

IV - Le port d’aujourd’hui - C’est la ville de demain

4.1- Dunkerque, une ville trop habituée aux destructions successives...

Le paysage dunkerquois voit disparaître peu à peu son patrimoine, qu’il soit technique, paysager et architectural.

Un patrimoine source du projet qui engendre la ville de demain. Une mémoire qui ne nous appartient pas. Nous ne sommes que les gardiens, les garants d’un prolongement, les passeurs de l’héritage de la ville, de sa mémoire aux générations à venir.

S’il est vrai que la ville se construit, se déconstruit et se reconstruit sur elle-même, a-t-on pour autant le droit d’ignorer ou d’araser ce qui appartient à la mémoire collective sans en avoir, au préalable, accomplit un constat, un devoir de ce que cela occasionnera comme perte envers les hommes et la ville - En exemple, comment expliquer la disparition des grues emblématiques des A.C.F., (Anciens Chantiers de France), vigies d’un lieu chargé d’histoire du labeur de l’homme : un paysage en deuil d’un anéantissement, en deuil d’un ’DISPARU".

Ce disparu visible, lisible où que l’on soit dans la ville, qui indiquait à tous un lieu, un site, une histoire. Un disparu que l’architecte VILERVAL avait conjugué avec le Musée d’Art Contemporain, le fantôme de ces grues, que le grand projet "NEPTUNE" de la ville n’a pas voulu s’instruire de la mémoire de ce site ni de ce symbole.

Le chalumeau de la ville qui occulte à tout jamais tout un savoir-faire et un faire savoir...

Pourtant lorsqu’on se prend au jeu de se vêtir de l’habit d’archéologue, on est surpris par l’insoupçonnable d’un territoire qui nous donne à voir une histoire urbaine intarissable, bavarde de son passé en devenir.

Le territoire dunkerquois fourmille d’exemples, d’expériences. Ce territoire a été, et il est encore, un véritable laboratoire, d’expérimentations, d’idées appliquées à même son territoire.

Revisiter l’histoire urbaine est un réel exercice pour qui nous enseigne sur les mutations, les bouleversements de son paysage. Cette enquête nous donne à comprendre la relation qui s’est tissée au fil du temps entre la ville et son port.

La superposition des plans de ville ou d’un territoire facilite la lecture d’une construction ville-port imaginée par les hommes.

Hier, ville et port étaient intimement liés par l’enceinte fortifiée. Peu à peu le port a grandi, s’est étendu sur la dune à l’Ouest de la ville, une ville contenue encore par la fortification que le diktat militaire maintenait en place et cela jusque dans les années 20.
Seules les villes environnantes, dans cette période, s’étalent et accueillent les populations et activités nouvelles.

Il aura fallu la venue de l’avion pour que les militaires se défassent de leur défense, (arasement de la fortification entre les années 1928 et 1931) et de la première loi fondamentale sur l’urbanisme (Loi CORNUDET de 1919), en France pour que la ville puisse enfin imaginer son à venir et son devenir.

Les "plans-essais" foisonnent. Mais la loi de 1919 oblige les villes de plus de 10 000 habitants à réaliser un P.A.E.E., (Plan d’Aménagement, d’Extension et d’Embellissement), qui sera le "moteur" de bien des plans d’urbanisme de la ville et du territoire.

Le plan de Donat Alfred AGACHE imagine bien avant la lettre, l’intercommunalité -AGACHE crée "L’ENTENTE INTERCOMMUNALE" avec TERQUEM, alors Maire de Dunkerque, et qu’ils appellent "LE PLUS GRAND DUNKERQUE". Le port, pendant ces années de l’entre deux guerres, ne se préoccupe pas de la ville. Il exécute ses grands travaux d’extensions. Cette période donnera naissance à la jetée Ouest et son phare, à de nouvelles darses, môles, d’écluses, d’entrepôts... etc ... aux côtés d’infrastructures et de bâtiments existants comme la hall aux sucres.

Malheureusement, la guerre 39 - 45 mettra brutalement un terme à cette expansion et fera son travail de "TABULA RASA". La ville et le port sont détruits à 90 %. L’après-guerre et les "trente glorieuses" font de la ville et du port un territoire en plein renouveau. Une "richesse" s’installe que l’on doit en partie au "fait de guerre".

4.2- Un port moderne et ambitieux

La modernité naissante voit sortir de la douleur des ruines encore fumantes, une ville reconstruite, un port relevé, rétabli. Une Renaissance pour ce territoire qui ne maîtrise pas ou plus son aménagement, qui ne se donne plus de ’limites". Mais si la ville réalise enfin ses rêves d’extensions, le port, lui, prend conscience rapidement que son outil est dépassé. La modernité passe la vitesse du T.G.V., (... navires de plus en plus grands, adaptation de l’outil pour ces navires..., etc...).

Le port Freycinet est désuet. En 1966 ( 1er avril ), l’Etat et la Chambre de Commerce de Dunkerque donneront l’autonomie au port. Le P.A.D. (Port Autonome de Dunkerque) vient de voir le jour. A la fin des années 60, le port déménage à l’Ouest, à 20 km de la ville, là où les navires de 350 0000 tonnes et plus peuvent entrer et sortir en pleine eau sans perdre de temps à quai et en ayant les outils pour décharger et embarquer rapidement. La logique économique implacable des temps modernes. La manutention devient mécanique, la grue devient portique...Un "mobilier portuaire" qui installe le gigantisme. Dans ces mêmes années 60, le site industrialo-portuaire se positionne sur la nudité des dunes allant de Dunkerque à Grande-Synthe. Usinor s’installe sur la mer, (800 hectares pris sur la mer), la panoplie d’infrastructures suive, une panoplie du "petit industriel - portuaire" qui tourmente et défait un paysage à jamais disparu. Une sorte d’UTOPIE s’institue. Les plans d’aménagement imaginés sur ce territoire pendant les périodes des années 60 et 70 sont de plus en plus "fous". On pense ville nouvelle de Dunkerque à Bergues, un port de DUNKERQUE à CALAIS (40 km), un aéroport pour l’agglomération, des bassins allant au-delà de la ville de Bourbourg (10 km de la côte).., etc...
La ville, elle, applique les procédures d’Etat..., ZAD, DUP, ZUP... Les grands Ensembles sortent de terre dans l’urgence pour loger les populations venues travailler sur le littoral. Le village devient une ville en l’espace de quelques années. La ville de Grand-Synthe en est le plus bel exemple, 4500 logements, une des plus grandes ZUP établit en France. Les procédures ZAC suivront dans la même déraison.
Une démesure qu’on ne maîtrise pas ou plus qui fait exploser un territoire. Une démesure qui laissera forcément derrière elle d’autres territoires à l’abandon. Un abandon qui a pour lui un avenir autre, celui de DEVENIR.

Les sites des A.C.F. et du port Freycinet sont aujourd’hui des lieux où l’Entreprise de la ville va construire un autre pan de l’histoire urbaine.

Il est rare dans l’histoire d’une ville d’avoir une telle opportunité, une telle occasion de bâtir son avenir sur des lieux où résident sa Représentation, son Image, l’Imaginaire, ...une immense réserve foncière pour demain.

En déménageant le port a laissé son patrimoine, ses installations. Aujourd’hui se pose clairement la question du devenir de ce patrimoine portuaire et de ces lieux chargés d’histoire.

Les associations du Patrimoine se sont investies dans la préservation en mettant en place des parcours, des visites, des conférences, du débat engagé avec les acteurs politiques de la ville et du territoire. Un débatpourdémontrerl’intérêtà sauvegarder mais surtout de faire la démonstration d’un possibleavenir en investissant ces lieux,ces objets en tant que projet de ville.
Mettre une "intelligence" au service de la ville, un devoir envers la ville pour préserver sa mémoire, son patrimoine, des propositions qui seraient des programmes possibles ou demandés par les habitants dans ces lieux. Longue est la liste des bâtiments sauvés de la démolition. Le sauvetage et la préservation de l’A.P. 4, appelé la "CATHEDRALE", reste un exemple parmi d’autres. Sans être d’une grande facture architecturale, ce bâtiment a une présence certaine et forte. Il est un repère dans la ville. Il est le dernier vestige, le rescapé de l’arasement du site des A.C.F.. Son architecture de béton de la reconstruction (Architecte LEFOL) nous invite à comprendre certaines prouesses du béton, le gigantisme des pièces de navires fabriquées et assemblées dans ce volume. La "cathédrale" est entrée dans le vocabulaire, le langage courant des dunkerquois pour désigner l’histoire d’une "bataille" afin de "garder" sur ce site une TRACE de la construction navale.

Au-delà de ça, il a fallu convaincre les politiques du bien fondé de la préservation de ce bâtiment en proposant, avec ténacité, des usages possibles, de l’investir d’une autre vie. Aujourd’hui ce lieu fait le "bonheur" d’un constructeur - réparateur de bateaux moteurs et voiliers. Il est important de dire que le propos n’est jamais tombé dans le travers d’une muséification de la ville, bien au contraire, le propos était avant tout une force de propositions avant tout acte de démolition.

D’autres bâtiments ont été ainsi sauvés de la démolition comme :
- l’entrepôt des tabacs devenu le Musée Portuaire
- la halle aux sucres se voit investir par le centre de la mémoire
- le bâtiment Jokelson où réside une association culturelle
- le phare de la jetée Ouest, voué à la démolition par le P.A.D., a été inscrit à l’inventaire de M.H.
- les "Bains Dunkerquois", architecture néo-navresque de la fin du XIV inscrit à l’inventaire des M.H.
- le port Freycinet, (darses, môles...), où le projet "musée hors des murs" prend place...
- l’ancienne capitainerie, le chai aux vins, (il n’existe plus que 2 bâtiments en France dont celui de Dunkerque, l’autre à Rouen),...
- ... etc ...

4.3- Le B.C.M.O. "l’autre symbole du port ... et des dockers"

Aujourd’hui s’engage une autre "bataille" celle pour préserver un symbole du port et des dockers :

Le B.C.M.O., architecte Jean-Pierre SECQ - Lille (Bureau Central de la Main d’œuvre)
Un symbole, un patrimoine, une mémoire pour les raisons, en autres, qui sont exprimées ci-après.

Il est la représentation même de l’architecture des années 70.

De cette période où l’architecture se cherchait, expérimentait les formes, les matériaux, les couleurs, la texture, la matière... Une architecture qui a donné le pire comme le meilleur. Une architecture qui proposait par son mode constructif de plans libres, des volumes d’une qualité indéniable. Une architecture où le béton apparaît comme une finalité apparente qui dessine la peau ou l’enveloppe du bâtiment. Une architecture où le béton modelé, nervuré règne.

Le B.C.M.O. est le représentant de cette architecture réussie des années 70. Il entre aussi dans l’histoire de l’architecture comme exemple d’intérêt, (à Dunkerque, 2 autres constructions ont intérêt patrimonial tout aussi exemplaire, la Maison des Gens de mer et le bâtiment des ciments LAFARGE dans la zone industrialo-portuaire).

En faire l’apologie serait trop long, (voir la notice jointe au dossier), et ce n’est pas l’objet du propos.

Ce bâtiment situé sur le môle 3, face à la darse s’impose comme la "porte d’entrée" de la ville par la chaussée des darses. Il est le lieu symbole de l’histoire des dockers, des conflits, des batailles menées par les dockers pour préserver leur outil : LE PORT. Il ne faut pas se voiler la face ni être dupe de ce que veut dire la démolition ou plutôt l’arasement de bâtiment - symbole.

Araser ce symbole, cette mémoire, ce patrimoine c’est "araser" en même temps toute l’histoire des dockers, un pan de l’histoire du port. Une histoire que le port veut faire disparaître, un port encore traumatisé par tous ces conflits. Une "peur" cachée qui emploie la destruction pour mieux ensevelir sous un tas de gravats une histoire encore bien présente.
Pourtant, ce bâtiment est, comme d’autres, un repère d’une période, un repère dans un parcours de l’histoire de Dunkerque.

Il est un "éperon", une articulation qui regarde les espaces à investir dans les décennies à venir.

Il ne faut pas être devin pour imaginer que le dessein de la ville se construira là sur les môles, darses, délaissés SNCF..., ces espaces coutures entre les villes de St Pol sur mer et Dunkerque.

Il s’agit bien là d’imaginer de la ville sur ces lieux tout en respectant une identité portuaire, d’habiter ces lieux et d’être en politesse avec le site.

Par ailleurs, il y a beaucoup à parier que si ce symbole venait à disparaître on écrirait sur sa disparition mais aussi sur son "manque" de la même manière qu’on écrit sur les gens qui disparaissent après les avoir "descendus".

Nulle photo, nul film ne peut remplacer ce qui vit. Il est incontestablement plus vrai de discuter, d’écouter ce qui est présent et vivant, ce qu’un patrimoine peut nous dire, nous transmettre pour son Devenir. L’urgence est d’imaginer une "façon de faire" pour ce patrimoine. Parler du développement durable, c’est bien mais faire de ce patrimoine un exemple du développement durable, c’est montrer une voie possible et vraie car si la guerre a fait son travail de la table-rase on est en droit de se demander si nous ne continuons pas à faire avec le patrimoine NOTRE TABULA-RASA.

Ne serait-il pas temps d’en faire l’inventaire...
D’inventorier ce patrimoine encore en place, d’inventorier ce qu’il devient et ce qu’il peut devenir...Il serait temps de proposer des solutions d’avenir à ce patrimoine en simulant des programmes possibles...

N’est-il pas temps de mettre en place un collectif d’archéologie sur le patrimoine urbain, paysager, industriel, portuaire... qui serait le garant du débat et des préoccupations de la ville auprès des "propriétaires" de ces lieux...

N’est-il pas temps de faire "VIVRE" ce patrimoine en l’inscrivant dans le projet d’une ville ou d’un territoire...

Le patrimoine n’est-il pas du futur, un projet en devenir...

Ces questions se posent à chaque fois, qu’un pan de notre patrimoine disparaît, qu’un pan de l’histoire est occulté. Et à chaque fois, pour accomplir la tâche, il nous faut convaincre les politiques, les acteurs locaux de l’aménagement d’être les garants du projet, d’affirmer cette volonté politique pour la ville parce qu’aujourd’hui, hélas, seule une inscription à l’inventaire ou le classement par les M.H. permet le sauvetage et la préservation du patrimoine.

V - Insertion dans l’environnement

5.1- Insertion paysagère et symbolique du B.C.M.O.

A l’heure où l’agglomération dunkerquoise travaille sur l’embellissement de ses entrées de ville, on accède au cœur de ville par la chaussée des Darses, en passant précisément devant le B.C.M.O., en traversant le site Neptune, du nom du projet basé sur la reconquête des friches portuaires : Pôle Marine, Centre Universitaire, les Résidences des Portes d’Albion, le CEFRAL, le Port du Grand Large et bientôt le nouveau lycée (annexe 8).

Conclusion

Le B.C.M.O. est remarquable par ses qualités architecturales et symboliques. Il fait partie de l’histoire de Dunkerque, de la vie portuaire. Ses habitants, les élus, les utilisateurs, souhaitent qu’une solution soit trouvée. Son réemploi n’est pas impossible, du fait de sa superficie, des possibilités de stationnement, de sa proximité du centre ville. L’inscription du B.C.M.O. aidera, à sa manière, les différents acteurs dans leur recherche de solutions.

Mis à jour le jeudi 20 novembre 2003